Un héritage des JO qui sent bon la vase et les milliards publics
Tout ça, évidemment, c’est pas tombé du ciel. Ni des petits anges de l’écologie municipale. On doit ce retour de la baignade en rivière au fameux « Plan baignade », lancé en 2016. Un machin à 1,4 milliard d’euros (oui, avec neuf zéros) piloté par l’État et les collectivités locales, dont le seul objectif apparent était de rendre les eaux de la Seine et de la Marne un peu moins dignes d’une scène d’apocalypse post-nucléaire. Pourquoi tant de zèle soudain ? Facile : les JO de Paris 2024, qui, pour une fois, ont servi à quelque chose d’utile : dépolluer.
Parce que soyons clairs : sans les épreuves de triathlon et de natation marathon prévues dans la Seine, jamais personne n’aurait claqué autant de pognon pour qu’on puisse aujourd’hui tremper nos orteils à Maisons-Alfort sans ressortir avec un troisième bras.
Des bassins, des horaires, des filtres UV et… des files d’attente virtuelles
Concrètement, deux sites de baignade ont ouvert dans le Val-de-Marne : l’un à Joinville-le-Pont, l’autre à Maisons-Alfort. Oublie l’image d’Épinal du bain sauvage à la cool. Ici, c’est réservation obligatoire, créneaux de deux heures max, et jauge ultra-limitée à 200 personnes par site. Les locaux casquent 3 euros pour deux heures, les autres 8 balles. Merci pour le tri social à échelle municipale. En gros, si t’es pas du coin, prépare-toi à raquer comme un touriste qui commande une bière à République.
Et puis surtout : réservation via l’appli « À la plage by PEMB ». Ambiance : se battre pour un créneau comme pour choper des places pour le Hellfest. Tu veux du naturel ? Attends-toi à te prendre un QR code en pleine gueule avant même d’avoir touché l’eau.
Une eau qui se veut propre… mais pas trop
Alors bien sûr, la question que tout le monde se pose : « Est-ce que je vais mourir si je bois la tasse ? » Réponse officielle : non. Réponse officieuse : on verra. Les sites sont équipés d’un système de double filtration, avec traitement par UV, suivi quotidien de la qualité de l’eau. Mais les fermetures de dernière minute ne sont pas exclues en cas de pollution accidentelle. Bref, l’expérience reste sous conditions. L’écologie de la baignade, c’est un peu comme la sincérité des influenceurs beauté : il y a des filtres partout.
Un grand coup de propre… mais pas pour tout le monde
Tu te dis peut-être que cette initiative sent bon la revanche écologique, l’accès à la nature en milieu urbain, tout ça. Mouais. On est surtout face à un projet vitrine pour faire joli sur les plaquettes des JO, avec ses petits relents de greenwashing institutionnel. Car pendant que Joinville et Maisons-Alfort jouent les précurseurs, d’autres villes comme Champigny et Saint-Maur-des-Fossés attendent encore leur tour, les ouvertures étant prévues courant juillet.
Et derrière ça, 15 sites de baignade sont envisagés dans le Val-de-Marne, avec un potentiel de 11 autres encore « dans la course », comme ils disent pudiquement au Département. On attend de voir combien survivront aux arbitrages budgétaires et aux crises sanitaires futures.
Plonger ou ne pas plonger : la fausse question
Alors, faut-il y aller ? Faut-il enfiler son plus beau maillot de bain vintage, son bob en éponge, et partir jouer les aventuriers du dimanche dans la Marne ? Honnêtement, oui, au moins pour le folklore. C’est pas tous les jours qu’on peut dire « je me suis baigné dans une rivière parisienne sans attraper de salmonelle ». L’expérience, quelque part, elle est plus mentale qu’aquatique : c’est un doigt d’honneur collectif au fatalisme urbain, une bouffée d’oxygène au milieu de la grisaille.
Et puis, soyons francs : nager dans la Marne, c’est quand même plus stylé que de rester coincé entre deux bébés qui hurlent dans une piscine municipale surchauffée. Un peu de vase sous les pieds, ça vaut toujours mieux qu’une verrue plantaire chopée à la piscine Georges Hermant.
Moi ? J’y vais. Pas parce que je crois à la rédemption écologique. Pas pour faire plaisir à Hidalgo ou aux mecs de la préfecture. Juste pour le plaisir simple et un peu débile de plonger dans un bout d’histoire urbaine ressuscité à coup de milliards. Et puis, quitte à choper un coup de soleil, autant le faire là où ça fait parler.
L’occasion d’un vrai débat sur ce que veut dire « être parisien »
Mais au fond, cette histoire de baignade dans la Marne ouvre surtout une vraie question qu’on évite trop souvent : c’est quoi, aujourd’hui, l’identité parisienne ? Un truc sous plastique et réglementé, fait de QR codes et de créneaux horaires… ou un vrai rapport au fleuve, à la nature, à la ville qui déborde un peu de ses cadres ? Faut-il applaudir cette « réappropriation » ou y voir une version édulcorée, marketée, et bien trop sécurisée d’une liberté qu’on n’a jamais vraiment eue ? Peut-on encore avoir des espaces communs, gratuits, ouverts, sans contrôle permanent ?
Bref : à chacun de se faire son avis, et surtout, de garder à l’esprit que le débat sur la place de la nature dans Paris ne fait que commencer. Que tu sois team baignade chlorée sous surveillance ou nostalgique d’une époque où on pouvait plonger n’importe où (et en payer les conséquences), au moins, on peut en discuter sans se noyer dans les clichés.