Les promesses d’une reconstruction express
Rappelez-vous, en 2019, le président Macron annonçait, tel un Messie, une reconstruction en cinq ans chrono. Cinq ans pour réparer des siècles d’histoire réduits en cendres en quelques heures. Une belle promesse, surtout pour un projet qui s’est vite transformé en gouffre à millions, absorbant une part conséquente des 850 millions d’euros de dons. Alors, où en est-on ?
La flèche de Viollet-le-Duc, symbole romantique du gothique, est en cours de remontée. Les charpentes en bois flambant neuves, taillées dans les forêts françaises, promettent un retour aux origines médiévales de l’édifice. Mais ne vous emballez pas trop : sous les échafaudages, la poussière de plomb et les dizaines d’entreprises sous-traitantes, la vraie réouverture ne fera que marquer le début d’une nouvelle phase de travaux.
Trop d’argent, pas assez de vision ?
Ah, l’argent. Ce nerf de la guerre qui, dans le cas de Notre-Dame, s’est révélé être un sujet aussi épineux qu’une relique oubliée. Avec des mécènes prestigieux comme les familles Arnault et Pinault, on aurait pu croire que tout serait réglé d’un coup de baguette magique. Spoiler : il n’en est rien. Entre les dépassements de coûts, les imprévus techniques et les querelles d’architectes, ce chantier a le goût amer d’une gestion kafkaïenne.
Et si on parlait du surplus des dons ? Oui, parce qu’il y en a eu, et beaucoup : 140 millions d’euros à ce jour, qui dorment en attendant d’être affectés. Ces fonds supplémentaires, destinés à « embellir » Notre-Dame, soulèvent une question simple : à quoi bon restaurer un édifice si la moitié des Parisiens ne pourra jamais s’y payer un concert ou un événement ? Une cathédrale pour les ultra-riches, vraiment ?
Un symbole écrasant de la France
Notre-Dame, c’est plus qu’un tas de pierres ; c’est un symbole. Celui d’une France qui, comme sa cathédrale, s’effrite mais refuse de s’effondrer. Mais soyons honnêtes : est-ce qu’on répare Notre-Dame pour ses fidèles ou pour les hordes de touristes asiatiques avec leurs perches à selfie ? Parce que si l’objectif, c’est d’en faire un Disneyland spirituel, autant y installer une file FastPass et des mascottes en costumes liturgiques.
L’obsession pour l’authenticité frôle l’absurde. En voulant à tout prix retrouver l’esprit du XIIIe siècle, on ignore la possibilité d’une rénovation contemporaine, audacieuse, qui aurait marqué l’Histoire autrement qu’en cherchant à la copier. Mais non, en France, on préfère se bercer d’illusions patrimoniales. Tradition, quand tu nous tiens.
Ce qu’on ne reconstruit jamais vraiment
Plus qu’un édifice, Notre-Dame est le miroir d’une époque qui se cherche. Entre les débats sur l’utilisation des fonds, les retards à rallonge et les désillusions d’une France qui aime se complaire dans ses gloires passées, la cathédrale est devenue le théâtre d’un drame national. Et pendant qu’on s’acharne à la réparer, on oublie peut-être qu’elle ne sera jamais plus la même.
Mais peut-être est-ce là toute la beauté du désastre : accepter que certaines choses, même réparées, restent à jamais marquées par leurs blessures.