Une IA qui veut réenchanter le recrutement
ChatFP, c’est un peu le croisement improbable entre Siri et un DRH sous amphétamines. Capable de matcher candidats et employeurs en un claquement de processeur, cette IA aspire à transformer les galères administratives en une expérience fluide, intuitive, presque ludique. Terminé les CV envoyés dans le vide intersidéral, place aux recommandations ciblées et aux opportunités qui se présentent comme des notifications push. Une révolution ? Sur le papier, oui.
Mais derrière cette promesse technologique se cache une réalité bien plus nuancée. L’intelligence artificielle, aussi impressionnante soit-elle, repose sur des bases de données. En clair, vos chances d’être retenu dépendent autant de vos compétences que de la manière dont vous les avez exprimées dans un formulaire. Une belle vitrine pour les développeurs d’IA, mais un potentiel gouffre pour les laissés-pour-compte du numérique.
L’illusion de l’objectivité ?
L’un des arguments-phares de ChatFP, c’est sa prétendue neutralité. L’IA ne juge pas, elle calcule. Pas de biais humains, pas de discrimination… Vraiment ? Les biais algorithmiques, eux, ne prennent pas de vacances. Si vous êtes un ouvrier du bâtiment reconverti dans le marketing digital, vos chances de matcher avec un job décent dépendront directement de la façon dont l’IA interprète votre parcours. Et spoiler alert : si ce n’est pas clair pour vous, ça ne le sera pas pour elle.
Le risque ici, c’est de voir se creuser davantage les inégalités d’accès à l’emploi. Ceux qui maîtrisent les codes numériques s’en sortiront, les autres resteront sur le carreau. C’est le paradoxe d’un outil censé rendre le marché de l’emploi plus inclusif, mais qui pourrait renforcer l’exclusion.
Quand l’humain devient accessoire
Dans cette course à l’optimisation, une question reste en suspens : que devient l’humain ? Les recruteurs traditionnels, aussi imparfaits soient-ils, apportent une dimension relationnelle, une capacité à détecter ce qu’un algorithme ne peut pas voir : le potentiel, la personnalité, la compatibilité culturelle. Avec ChatFP, tout ça passe à la trappe. Vous êtes réduit à des lignes de code et des mots-clés.
Et si l’on pousse la logique un peu plus loin, que restera-t-il aux entreprises ? Des candidats filtrés, aseptisés, formatés pour correspondre à des critères standardisés. Une dystopie RH où l’audace et la créativité n’auraient plus leur place.
Une innovation nécessaire, mais pas suffisante
Soyons honnêtes : l’idée derrière ChatFP n’est pas totalement dénuée de sens. Dans un marché de l’emploi saturé, où des milliers de postes restent vacants faute de candidats qualifiés, un coup de pouce technologique peut faire la différence. Mais cette innovation ne peut pas remplacer les politiques publiques ambitieuses, ni compenser le manque criant de formations adaptées. Ce n’est pas parce qu’on a Tinder qu’on trouve l’amour, et ce n’est pas parce qu’on a ChatFP qu’on décroche un CDI.
En fin de compte, l’outil reflète les intentions de ceux qui l’utilisent. Si France Travail se contente de déléguer l’ensemble de ses missions à une IA, les résultats seront mécaniquement à la hauteur de cette absence d’investissement humain. Mais si ChatFP devient un complément aux recruteurs, un facilitateur d’accès et non un arbitre final, alors peut-être que l’on aura trouvé un équilibre.