Quand l’émotion joue les trouble-fêtes
Vendre son entreprise, c’est une affaire de chiffres, de croissance et de business plans ? Pas vraiment. M. Fontan l’a compris à ses dépens. Si les colonnes Excel alignent les euros, les colonnes vertébrales des cédants, elles, tremblent souvent sous le poids des émotions. Imaginez un peu : vous avez fondé une boîte il y a 30 ans, à une époque où le Minitel était une révolution technologique. Aujourd’hui, vous devez la confier à un repreneur qui vous parle d’intelligence artificielle et de blockchain comme si c’était du latin de cuisine.
Céder, c’est accepter de tourner une page, voire de fermer tout un livre. Fontan l’a bien senti : le défi n’était pas seulement de trouver un acheteur, mais de composer avec l’idée de ne plus être le capitaine du navire. Et quand les émotions s’en mêlent, les négociations peuvent vite ressembler à une bataille rangée.
L’art de choisir son successeur : héritage ou roulette russe ?
La clé de toute bonne cession, c’est le repreneur. Sauf que dénicher la perle rare, c’est un peu comme trouver un diamant dans une mine de sel. Fontan a dû passer au crible des candidats aux motivations parfois douteuses : le jeune loup qui veut « disrupter » la boîte en trois mois, le vieux de la vieille qui confond modernisation et conservatisme ou encore l’investisseur opportuniste qui voit votre PME comme un joli tableau à revendre au plus offrant.
C’est finalement à un duo qu’il a décidé de céder son entreprise. Mais là encore, le pari est risqué. Un repreneur, c’est comme un successeur politique : on espère qu’il ne va pas démolir tout ce qu’on a construit. Fontan a fait le choix de parier sur la complémentarité. Et si c’était là le vrai jackpot ?
Le rôle des experts : génies ou vautours ?
Pas de cession sans une armée de conseillers. Dans ce ballet de consultants, avocats et experts-comptables, certains jouent les anges gardiens, d’autres les diables dans le détail. Fontan lui-même a reconnu avoir failli s’y perdre. Les conseils sont parfois aussi contradictoires qu’un débat entre anarchistes et ultralibéraux. Les juristes s’attachent à la solidité des clauses, les fiscalistes aux montages les plus favorables, et les banquiers… eh bien, eux s’assurent surtout de ne pas perdre leur part du gâteau.
Et le cédant dans tout ça ? Il regarde passer le train de la finance en espérant ne pas finir en gare de l’escroquerie.
Ce que Fontan nous apprend
M. Fontan n’est pas seulement un exemple : il est un avertissement. Il nous rappelle que céder une entreprise, c’est naviguer entre rationalité et affect. C’est jongler avec des chiffres tout en essayant de protéger ce qui fait l’ADN de sa boîte. En somme, c’est un exercice de funambule, où chaque faux pas peut être fatal.
Ce qu’il y a de fascinant, c’est que son histoire, c’est aussi celle de milliers de cédants en France. Tous doivent affronter la même équation complexe : vendre sans perdre son âme, transmettre sans trahir ses valeurs.
Quand je regarde le parcours de Fontan, je vois un entrepreneur qui a pris le risque de confier son bébé à un autre. Un geste qui demande un courage certain, une bonne dose de lucidité et, il faut le dire, une pincée de folie. À sa place, je ne suis pas sûr que j’aurais eu la même audace. Mais après tout, l’entrepreneuriat n’a jamais été une affaire de prudence, n’est-ce pas ?
