par | 24 Juin 2024

L’économie sociale et solidaire, trop galère ?

L'économie sociale et solidaire (ESS) attire les entrepreneurs engagés, mais l'agrément Esus reste un défi. Dix ans après sa création, ce statut strict et contraignant peine à séduire les entreprises, en dépit de ses avantages fiscaux. Découvrez les enjeux et les perspectives de ce label encore méconnu.
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L’économie sociale et solidaire (ESS), cette nébuleuse de valeurs et d’idéaux, attire les âmes altruistes et les entrepreneurs visionnaires. On pourrait croire que c’est l’Eldorado des entreprises à impact, où la quête du profit cède la place à la mission sociale. Mais soyons honnêtes, tout n’est pas rose dans le monde des bisounours solidaires. Derrière les slogans et les belles intentions, la réalité est souvent plus nuancée, voire carrément frustrante.

Prenons les Entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus), une catégorie à part dans l’ESS. Créé en 2014 par la loi Hamon, cet agrément est censé être le saint graal des entreprises qui veulent prouver leur engagement social. Mais après dix ans, où en est-on vraiment?

Esus: Un Étiquette Glorieuse mais Lourdement Contraignante

Les chiffres ne mentent pas. Fin 2023, on compte 2.687 structures agréées Esus, soit une fraction minuscule des 200.000 entités de l’ESS. Et là où le bât blesse, c’est que seulement 31% de ces structures sont des sociétés commerciales. Le reste, ce sont des associations, des coopératives et des mutuelles. Autrement dit, l’agrément Esus n’a pas vraiment séduit le secteur privé. Pourquoi?

Pour décrocher ce précieux sésame, il faut remplir des critères draconiens. Votre entreprise doit avoir une utilité sociale comme objectif principal et limiter la rémunération de son salarié le mieux payé à dix fois le SMIC. En échange, vous obtenez des avantages fiscaux pour vos investisseurs et un accès facilité à l’épargne solidaire et aux marchés publics. Sur le papier, c’est séduisant. Dans la pratique, c’est un casse-tête.

Tiphaine Turluche, fondatrice des Bottes d’Anémone, un fleuriste en ligne breton, en sait quelque chose. « La demande d’Esus était un aboutissement logique », dit-elle, comme si elle avait gravi l’Everest. Grâce à cet agrément, son entreprise ne livre que des fleurs françaises et de saison, un luxe en soi. « Cela nous permet de formaliser notre démarche d’impact », explique-t-elle, un brin fière, un brin fatiguée.

Des Contraintes qui font Fuir

Mais tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. Delphine Droz, fondatrice de La Belle Empreinte, une entreprise qui accompagne les marques textiles vers un modèle plus durable, avoue que les restrictions liées à l’agrément Esus ont tendance à faire fuir les investisseurs. « Les contraintes de notre business model, inhérentes à l’Esus, peuvent parfois être un repoussoir », confie-t-elle.

Lulu dans ma rue, une plateforme d’insertion dans le travail indépendant, a également opté pour l’agrément Esus. Charles-Edouard Vincent, son président, y voit un cadre adapté pour garantir les intentions sociales de son entreprise. Mais soyons réalistes, tous les dirigeants ne partagent pas cet avis. L’agrément Esus impose un carcan qui peut sembler étouffant, surtout quand on cherche à attirer des fonds.

Le Statut de Société à Mission: Une Alternative Plus Sexy?

Face à l’agrément Esus, le statut de société à mission, introduit par la loi Pacte de 2016, fait figure de jeune premier. Avec près de 1.500 entreprises sous ce statut, il est plus souple et moins contraignant. Il suffit de fixer un objectif social ou environnemental, suivi par un comité de mission. Même des groupes cotés en Bourse y adhèrent, séduits par son attractivité auprès des investisseurs.

Tiphaine Turluche a rapidement compris la différence de perception. « Plusieurs interlocuteurs me félicitent pour le statut de société à mission, et froncent les sourcils quand je leur parle d’Esus », avoue-t-elle. Le statut de société à mission, c’est le bon copain cool qui fait toujours bonne impression. L’agrément Esus, c’est l’ami un peu rigide et ennuyeux, mais terriblement fidèle.

Quelle Voie pour l’ESS?

Alors, que faire pour rendre l’agrément Esus plus désirable? Caroline Neyron, directrice générale du Mouvement Impact France, plaide pour développer les avantages associés, notamment fiscaux, afin d’accroître la visibilité de cet outil. Jonathan Jérémiasz, cofondateur du Mouvess, milite quant à lui pour une extension des contraintes de l’agrément Esus à toutes les structures de l’ESS, pour plus de cohérence.

Ce débat, il faut le trancher, et vite. Parce que l’ESS, c’est avant tout une vision du monde. Une vision où l’impact social prime sur le profit. Une vision qui mérite d’être soutenue, clarifiée et amplifiée. Pas juste pour les idéalistes, mais pour nous tous. Parce que franchement, si l’on veut vraiment changer le monde, il est peut-être temps de rendre les choses un peu moins compliquées et beaucoup plus inclusives.

Alors, on attend quoi?

Thomas

Tom, rédacteur passionné chez ANousParis 🖋️. Je couvre toute l’actu parisienne – culture, événements, et tendances de la Ville Lumière! 🗼