Un Problème Systémique Recouvert d’un Pansement Rose
Il faut le dire : cette option arrive après des années de scandales et de témoignages glaçants. Entre les harcèlements, les comportements déplacés et les silences complices, l’histoire d’Uber avec la sécurité des femmes ressemble plus à une série B qu’à une success-story.
Certes, cette initiative offre une alternative rassurante pour celles qui craignent les trajets de nuit. Mais ce choix de segmentation ne fait qu’entériner une réalité terrifiante : les espaces publics — y compris les services de transport — restent largement hostiles aux femmes. On ne soigne pas un cancer avec un cachet d’aspirine.
Une Fausse Bonne Idée ?
Si l’intention paraît louable, elle s’accompagne de plusieurs écueils. D’abord, cette option repose sur un biais genré douteux : sous-entendre que seuls les chauffeurs masculins posent problème. Un raccourci facile qui ne règle rien. Et puis, qui dit « choisir une conductrice » dit restreindre l’offre disponible. Bonne chance pour trouver une femme conductrice un samedi soir dans le 18e arrondissement, quand Uber met déjà 10 minutes à arriver en plein jour.
Plus inquiétant encore : que dire des femmes conductrices ? Ce système les expose à une surexposition sur des trajets où elles pourraient elles-mêmes se sentir vulnérables. En résumé, la charge de la sécurité pèse encore et toujours sur les mêmes épaules.
Uber : Entre Geste Comm’ et Cynisme
Rien n’échappe à la mécanique commerciale d’Uber. En proposant « Uber by Women », l’entreprise réussit à monétiser un problème de société tout en redorant son image, écornée par ses scandales successifs. Ce n’est pas de l’innovation, c’est une stratégie de relations publiques déguisée. Mais après tout, Uber est un spécialiste du capitalisme performatif : faire croire qu’il répare les fractures sociales tout en encaissant tranquillement les dividendes.
On pourrait même y voir une ironie perverse. La société, qui a précarisé le statut des chauffeurs avec des contrats déguisés en fausse indépendance, s’improvise aujourd’hui gardienne de la sécurité des passagères. Kafka applaudira sûrement depuis l’au-delà.
Une Anecdote pour la Route
C’est ici que je vous raconte l’histoire d’une nuit parisienne. 1h du matin, une longue soirée derrière moi, et un Uber commandé pour rentrer chez moi. Le chauffeur, jovial au premier abord, a fini par demander mon numéro « pour devenir amis ». Sympa, non ? Mon instinct m’a rappelé que ce genre de « politesse » peut vite tourner au cauchemar. Alors, oui, j’aurais aimé appuyer sur l’option « Uber by Women » ce soir-là. Mais aurait-elle changé le problème ? Pas sûr.
Pourquoi Faut-il Voir Plus Loin ?
Si Uber veut vraiment s’attaquer à la sécurité des femmes, il est temps qu’ils cessent de jouer aux pompiers. Formation des chauffeurs, systèmes de surveillance plus stricts, sanctions réelles en cas de comportement déplacé : voilà où se trouvent les vraies solutions. Proposer une option genrée, c’est comme offrir un parapluie dans une tempête : utile, mais inutile sur le long terme.
Alors, Uber by Women, c’est sympa sur le papier. Mais ne nous y trompons pas : ce n’est qu’un pansement sur une plaie bien plus profonde. Une révolution féminine ? Peut-être. Mais pour l’instant, c’est surtout un nouveau gadget marketing dans une société où les femmes méritent bien mieux qu’une « option ».
