Portrait d’un médecin devenu acteur central des politiques sociales
Xavier Emmanuelli demeure l’une des figures majeures de l’action sociale contemporaine. Médecin, bâtisseur d’institutions et acteur de l’urgence, il a structuré de nombreux dispositifs encore essentiels aujourd’hui. Son parcours permet de comprendre comment la France a fait évoluer sa réponse face à la précarité, à l’exclusion et aux situations extrêmes.
Né le 23 août 1938 à Paris, il grandit dans une famille corse engagée dans l’enseignement et le soin. Ses parents, instituteurs, ont été reconnus « Justes parmi les Nations ». Ce contexte familial inscrit très tôt son environnement dans la protection, l’aide et la responsabilité collective.
Une formation médicale tournée vers l’intervention
Après l’obtention de son diplôme de médecine en 1967, Xavier Emmanuelli se forme en neurologie. Ensuite, il se spécialise en anesthésie-réanimation en 1976. Ces disciplines l’amènent à travailler au cœur de services hospitaliers où la gestion du temps et la prise de décision rapide sont essentielles.
En parallèle, il pratique aussi la médecine générale. Cette activité l’ancre davantage dans le quotidien des patients. Elle lui permet également de comprendre les besoins concrets des populations qu’il rencontre.
Expérience hospitalière et missions en milieu isolé
Au début des années 1970, il exerce dans un hôpital du bassin minier. Le territoire est marqué par des conditions de travail difficiles. Les besoins de soins sont importants. Cette première expérience professionnelle renforce sa compréhension du lien entre santé et contexte social.
Ensuite, il embarque comme médecin dans la marine marchande. Pendant deux ans, il intervient loin de toute infrastructure hospitalière. Il doit composer avec des moyens limités et prendre en charge des urgences en pleine mer. Cette période contribue à façonner son expertise des situations extrêmes et du travail en autonomie.
Participation à la création d’un mouvement humanitaire
En 1971, il participe à la création d’une organisation humanitaire internationale majeure. Cette étape marque le début d’un engagement durable dans le champ humanitaire. Elle l’amène à agir sur des terrains de crise. Elle renforce aussi son approche basée sur la proximité, l’autonomie des équipes et la réactivité.
Le SAMU Social : une innovation de terrain
En 1993, il fonde le SAMU Social de Paris. Ce service repose sur une idée simple et efficace : aller à la rencontre des personnes sans abri. Contrairement aux dispositifs traditionnels, ce modèle n’attend pas que les personnes sollicitent de l’aide. Au contraire, des équipes mobiles parcourent la ville pour proposer une assistance, un hébergement ou un suivi médical.
Le système repose sur deux principes clés : la continuité de l’accueil et l’inconditionnalité. Ces mécaniques d’intervention deviennent rapidement des références dans le secteur de l’urgence sociale.
Puis, en 1998, il étend ce modèle en créant le SAMU Social International. Ce réseau permet d’adapter cette approche à de nombreuses grandes villes dans le monde.
Une entrée dans la sphère gouvernementale
Entre 1995 et 1997, Xavier Emmanuelli occupe la fonction de secrétaire d’État chargé de l’Action humanitaire d’urgence. Ce rôle renforce la coordination des interventions de l’État lors de catastrophes ou de crises. Il participe à la gestion de situations d’urgence, en France comme à l’étranger.
Cette fonction marque un tournant dans sa trajectoire. Elle l’inscrit dans une dimension institutionnelle. Elle lui permet également de travailler sur l’organisation de réseaux d’aide, sur la mobilisation des acteurs et sur les stratégies de réponse.
Vingt ans au Haut Comité pour le Logement
En 1997, il prend la présidence du Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées. Il occupe cette responsabilité jusqu’en 2015. Durant ces années, le comité publie de nombreux travaux sur les expulsions, l’hébergement d’urgence et les conditions de vie des populations précaires.
Ces analyses contribuent à faire évoluer les politiques publiques liées au logement social et à la lutte contre l’exclusion.
Travail en milieu carcéral
De 1987 à 1993, il exerce comme médecin-chef à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Cette expérience lui donne une connaissance fine des enjeux de santé en détention. Elle lui permet aussi d’observer les liens entre marginalisation, troubles psychiques, dépendances et parcours sociaux complexes.
Ce travail nourrit ensuite ses réflexions sur la psychiatrie d’urgence et sur l’accompagnement des personnes en situation de grande fragilité.
Publications et diffusion de son expertise
Xavier Emmanuelli publie plusieurs ouvrages, centrés sur son expérience du soin, de l’urgence et de l’action sociale. Ses écrits décrivent les réalités de terrain, les mécanismes de l’exclusion et l’évolution des dispositifs d’aide.
Ces travaux offrent un éclairage précis sur les enjeux de l’urgence moderne et sur les défis du travail auprès des populations vulnérables.
Distinctions officielles
Au cours de sa carrière, il reçoit plusieurs décorations nationales. Il est notamment élevé à des grades importants dans les ordres de la Légion d’honneur et du Mérite. Ces distinctions saluent son engagement dans le développement de services d’urgence et de structures de solidarité.
Un parcours traversé par cinquante ans d’urgence
De l’hôpital à la mer, du ministère aux rues de Paris, Xavier Emmanuelli a multiplié les terrains d’action. Cette diversité lui a permis de développer une vision transversale de la vulnérabilité. Elle lui a aussi permis d’imaginer des dispositifs capables de répondre à des besoins multiples, parfois urgents, parfois durables.
Il décède le 16 novembre 2025 à l’âge de 87 ans. Sa disparition suscite de nombreuses réactions dans les secteurs médicaux, sociaux et institutionnels.
Un héritage institutionnel toujours actif
Son héritage repose avant tout sur les dispositifs qu’il a contribué à structurer. Le SAMU Social en est la pièce maîtresse. Son principe d’intervention directe continue d’influencer les pratiques des acteurs de terrain.
Son action au Haut Comité pour le Logement a également donné lieu à de nombreux travaux encore cités aujourd’hui. Elle a contribué à nourrir les débats sur le logement, l’hébergement et la solidarité nationale.
Enfin, son parcours a permis de rapprocher médecine, action sociale et politiques publiques. Cette articulation, désormais centrale dans plusieurs dispositifs, demeure l’une de ses contributions les plus importantes.

