par | 11 Fév 2025 à 11:02

L’explosion du drag à ESMOD : mode, shows et audace

Paris a beau se targuer d’être la ville de toutes les libertés, on oublie parfois à quel point elle peut se montrer pudique. Mais qu’on se le dise : l’ESMOD, fondée en 1841, semble bel et bien déterminée à dégainer sa flamboyance légendaire pour propulser le drag sur le devant de la scène. Et je pèse mes mots quand je dis “flamboyance” : on parle ici de tenues démentes, de performances hautes en couleur, de paillettes collées jusqu’au bout des ongles… le tout visible gratuitement chaque après-midi au cœur même de la plus ancienne école de mode de France. Bienvenue dans cette joyeuse pagaille où la fête se mêle à la haute couture.
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Un art protéiforme

Dans le hall majestueux de l’ESMOD, les silhouettes de Miss Boo, Kitty Space et Drapeau blanc occupent désormais trois podiums. Trois anciens élèves, trois univers déjantés, et trois visions du drag qui s’entrechoquent. Le plus drôle, c’est qu’on pourrait croire que drag rime seulement avec paillettes, sur-jeu et second degré grinçant. Sauf qu’ici, on découvre surtout que c’est un véritable art scénique, quelque part entre la mise en scène de soi et la couture poussée à son paroxysme. À force de papillonner d’un costume à l’autre, on se laisse happer par un tourbillon créatif tellement déroutant qu’il nous fait presque oublier les conventions du “bon goût” à la française. Et franchement, tant mieux : ça secoue un peu les consciences.

Miss Boo, la reine du sur-mesure

Difficile de ne pas être ébloui par la robe XXL rose bonbon de Miss Boo, tout droit sortie d’un délire « lendemain de soirée » (l’une de ses créations-phares) ayant nécessité plus de 200 heures de travail. Sérieusement, 200 heures, c’est plus que le temps que j’ai passé à binge-watcher l’intégrale de mes séries préférées ! La créatrice, figure de proue de la scène drag, a déjà imaginé plus d’une quinzaine de tenues pour l’émission « Drag Race France ». Et cette robe matelassée, avec son sac-bonbonnière assorti, rappelle qu’on peut être excentrique tout en restant carrément luxueux. Une haute couture hybride, qui nous nargue entre ironie et élégance. Bref, un pied-de-nez à l’austérité ambiante, et je ne vais pas m’en plaindre.

Drapeau blanc, pirate de la nuit

Si vous recherchez le frisson d’une double identité, jetez un œil aux créations de Maxime Arthur, alias La Capitaine Grimm la nuit. En 2021, il lance la marque « Drapeau blanc » et s’impose dans l’univers drag en balayant les frontières entre féminin et masculin. Ses costumes se déchirent et renaissent sur scène telle une mue hypnotique. Pour couronner le tout, il a déjà habillé certaines stars du petit écran (sans compter son passage éclair dans le cercle très fermé de « Drag Race France »). Je vous vois déjà froncer les sourcils : oui, c’est de la provoc’ revendiquée, mais Paris en a bien besoin pour dépoussiérer son côté prétentieux.

Kitty Space, révélation et résilience

Kitty Space, quant à elle, puise dans le drag et la mode une forme de thérapie. D’origine asiatique, elle explique avoir mis du temps à trouver sa voie – jusqu’à ce que le drag illumine tout ce qu’elle aime. À ses heures perdues, elle fabrique d’incroyables robes de scène, comme sa robe pagode composée de paillettes, résilles et feuilles d’or. Un truc si flamboyant qu’il éclipse la grisaille parisienne d’une seule oscillation de hanches. Et le plus fascinant, c’est cette impression qu’elle avance un pas de plus vers elle-même à chaque costume, s’ouvrant au monde tout en provoquant le nôtre.

Un phénomène qui gagne du terrain

Les puristes affirmeront que le drag existe depuis belle lurette – et c’est vrai. Né dans les marges sociales et culturelles de la communauté homosexuelle et trans dans les années 1990, il a gagné en visibilité. « Drag Race France » revient d’ailleurs en 2025 pour sa quatrième saison, preuve que l’engouement ne faiblit pas. Que vous soyez allergique au gloss ou fanatique de la paillette, cette effervescence artistique est tout sauf feinte : c’est un pied de nez au conformisme, et ça se passe juste sous votre nez, à l’ESMOD. Alors, vous hésitez encore ?

Moi, j’ai fini par succomber à cette démesure savoureuse qui se joue des étiquettes et des clichés. J’ai vu de mes propres yeux le boulot colossal derrière chaque pli, chaque strass, chaque coup de ciseaux, et je vous garantis que ces créations sont largement à la hauteur des plus grands noms de la haute couture. Franchement, c’est rafraîchissant de voir Paris vibrer ainsi. J’ai beau critiquer ses faux-semblants, je ne peux nier qu’elle sait encore surprendre par sa créativité. Cette expo m’a secoué et m’a rappelé que le drag, ce n’est pas qu’un show : c’est un art à part entière, doublé d’une véritable quête identitaire. On a besoin de ces irrévérences, de ces claques visuelles, pour secouer notre vieille capitale. Et oui, moi aussi, je rêve parfois de dégainer mon éventail pailleté et de crier au monde que je suis fabuleux. À l’ESMOD, c’est non seulement possible, mais carrément encouragé.

Tom, rédacteur passionné chez ANousParis 🖋️. Je couvre toute l'actu parisienne - culture, événements, et tendances de la Ville Lumière! 🗼