La vérité, sans fard ni compromis
Le procès n’est pas seulement celui de Ruggia, mais celui d’une industrie du cinéma qui a longtemps tourné le dos aux victimes. Haenel, avec son style direct et sa verve mordante, a fait vaciller la façade. À la phrase « Vous êtes un gros menteur », lancée à Ruggia en pleine audience, on entend résonner l’exaspération de milliers de femmes réduites au silence. Un moment que n’aurait pas renié une figure comme Virginie Despentes, pour qui exploser les non-dits est un art de vivre.
Ici, pas de pleurnicheries ni de demi-teintes. Haenel, fidèle à elle-même, incarne la vérité brute. Elle ne cherche pas à séduire l’audience, mais à l’électrocuter. Ce qu’elle dit, c’est simple : assez. Assez de voir des agresseurs jouer les victimes, assez de voir des carrières masculines protégées par des institutions complices.
L’industrie face à ses propres spectres
Le cinéma français, ce grand paquebot vieillissant, a préféré ignorer les marées. Pendant des décennies, la machine à rêves a fonctionné avec des ombres dans ses coulisses. Quand Haenel a quitté le cinéma en dénonçant son hypocrisie, c’était plus qu’un départ : c’était une démission symbolique d’un système pourri. Aujourd’hui, elle revient non pas pour jouer un rôle, mais pour démasquer les acteurs du silence.
Et Ruggia dans tout ça ? Fidèle à la partition des accusés : le déni. Dans cette mise en scène judiciaire, il récite les mêmes excuses que des hommes comme Weinstein ou Polanski avant lui. Mais face à une Haenel armée de courage et de sarcasme, ces mots sonnent creux.
Une résistance culturelle en marche
Adèle Haenel n’est pas seule. Derrière elle, il y a une génération qui a grandi avec #MeToo et n’a plus peur de briser la vitre. Si Simone de Beauvoir écrivait aujourd’hui, elle trouverait en Haenel une incarnation contemporaine de la femme en révolte. L’actrice ne cherche pas la réhabilitation personnelle : elle exige un bouleversement.
Les statistiques sur les violences sexuelles en France, glaçantes, donnent raison à son combat. Chaque année, près de 90 % des agressions sexuelles ne sont pas signalées. Pourquoi ? Parce que les victimes savent ce qu’elles risquent : l’humiliation publique, le doute systématique, et ce regard condescendant qu’on leur lance en leur demandant pourquoi elles n’ont pas parlé plus tôt.
Mon point de vue, sans filtre
Adèle Haenel ne fait pas que parler fort : elle agit. Et c’est là qu’elle dérange. Elle ne correspond pas à cette image de la victime docile qu’on attendrait, celle qui inspire de la pitié mais reste silencieuse. Elle explose les codes et elle emmerde clairement ceux que ça dérange. C’est en cela qu’elle est une héroïne moderne, une figure qui ne demande pas qu’on l’aime mais qu’on écoute.
On pourra toujours discuter des moyens, des mots qu’elle emploie, mais ce qui est indéniable, c’est son impact. Elle est la preuve vivante que même face à un mur, on peut prendre une pioche. Et même si ce mur ne tombe pas tout de suite, les fissures qu’elle y a laissées sont indélébiles.