Un accord à 15 % qui évite l’amputation à 30 %
Dimanche, Washington et Bruxelles ont enterré la hache de guerre économique. Résultat : des droits de douane de 15 % sur les exportations européennes vers les USA, bien plus doux que la menace de 30 % agitée pendant des mois par Donald Trump, l’homme qui pense qu’un traité commercial se gère comme une commande Uber Eats.
Et Paris peut souffler. Parce qu’un tiers du commerce mondial dépend de cette relation transatlantique. Et surtout, parce que la France, ses labos pharma, ses constructeurs auto et ses semi-conducteurs étaient à deux doigts de prendre une claque douanière qui aurait fait passer la taxe GAFAM pour une amende de stationnement.
Avec cet accord, le CAC 40 se prépare à bondir dès l’ouverture. Dans un marché qui réagit à la moindre rumeur comme un ado à sa première rupture, ce genre de nouvelle, c’est de la MDMA version Bloomberg. Et tous les algos sont en train de se lécher les circuits imprimés.
Les entreprises du CAC respirent (et encaissent)
Prenons Forvia, l’équipementier automobile qui avait de l’hydrogène plein les bras mais un portefeuille vide : 269 millions d’euros de pertes sur le premier semestre, plombé par la fin du partenariat avec Stellantis et les effets de change. Malgré tout, la boîte maintient ses objectifs 2025. Grâce à quoi ? Grâce à une visibilité retrouvée, notamment sur l’export vers les États-Unis. Merci Joe. Ou plutôt : merci Donald, pour avoir menacé si fort que tout le monde est maintenant soulagé d’être seulement à moitié racketté.
Autre gagnant potentiel : LVMH, en pleine réflexion stratégique sur sa marque Marc Jacobs. Avec cet accord, le luxe peut continuer à inonder les rues de New York de sacs à 3 000 balles et de parfums à base de sueur de licorne sans craindre un coup de matraque fiscale. Pour un secteur qui vend l’irrationnel, la stabilité tarifaire est une forme de drogue douce.
Et puis il y a les autres — Advicenne, qui cartonne déjà en Arabie Saoudite avec son traitement de l’ATR distale, et Robertet, qui affiche +9,2 % de croissance organique : ces PME cotées peuvent espérer des relais de croissance stables outre-Atlantique. Pas une révolution, mais un climat moins toxique pour envoyer du stock sans avoir à vendre un rein au passage.
Trump, l’arme secrète de la hausse boursière ?
Ce qui est fou, c’est que c’est Trump qui, en menaçant le pire, permet aujourd’hui à la Bourse d’afficher le meilleur. Le mec a inventé le chantage géopolitique comme levier de spéculation. On se croirait dans un épisode de Succession, sauf que tout le monde joue mal et que personne ne comprend les règles.
À Paris, ça ricanait depuis des mois à propos de la guerre commerciale. Et pourtant, ce sont bien les fonds français, les traders avenue Montaigne et les dirigeants du CAC qui sont aujourd’hui soulagés de ne pas devoir recalculer toutes leurs marges à la hache.
Derrière cette euphorie, reste pourtant une sale impression : l’économie mondiale devient une pièce de théâtre écrite par des pyromanes. On allume des feux pour mieux faire croire qu’on les éteint. On menace la planète entière pour gratter deux points sur un indice. Et à la fin, c’est toujours les mêmes qui trinquent — mais aussi, les mêmes qui encaissent.
Paris, ville des bulles spéculatives et des illusions douanières
En surface, tout va bien. Le CAC grimpe, les entreprises retrouvent des couleurs, les analystes jouent les derviches tourneurs dans les colonnes des Échos. Mais qui croit vraiment à un apaisement durable ?
Le commerce international, en 2025, c’est une guerre de positions. Un bras de fer de nerds en costumes mal coupés. Ce n’est pas un “monde d’après”, c’est le même monde, en plus cynique, en plus instable, en plus indexé sur les déclarations d’un candidat qui confond encore l’ONU avec un plateau télé.
Et Paris, là-dedans, n’est pas une ville refuge. C’est un ring. Une arène où les annonces politiques font monter les courbes comme du Viagra pour actionnaires. Où chaque tweet, chaque accord, chaque tension devient un prétexte pour imprimer de la volatilité. C’est Las Vegas, avec des attachés-cases.
Ce matin, le CAC 40 sourit. Les traders respirent. Les géants français se frottent les mains. Mais qu’on ne s’y trompe pas : on est à un mauvais tweet d’un nouveau chaos. Le vrai miracle serait un accord qui tienne plus de six mois, une politique économique qui s’écrit autrement qu’à coups de bluff et une Bourse qui ne confonde pas stabilisation et hallucination collective.