Le grand théâtre des privilèges
Rappelons les faits pour ceux qui auraient oublié cette saga politico-judiciaire digne d’une saison de House of Cards. Fillon, alors champion autoproclamé de la rigueur budgétaire, est accusé d’avoir rémunéré son épouse Penelope pour des emplois fictifs de collaboratrice parlementaire. L’affaire explose en 2017, juste avant la présidentielle, et s’achève en 2020 avec une condamnation : cinq ans de prison, dont deux fermes. Mais pas de cellule en vue : Monsieur Fillon s’est contenté de faire appel.
Ce chèque de 700 000 euros, c’est sa façon de solder ses comptes. Mais soyons clairs, cette somme, c’est de la monnaie de poche pour un homme qui a gagné des millions dans le privé après son passage en politique. Une « repentance » qui sonne comme un achat de paix judiciaire. On est loin des grands idéaux républicains, mais ça, qui s’en étonne encore ?
Quand l’argent lave plus blanc que la justice
Ce genre de scandale ne fait que confirmer une évidence : dans ce pays, on ne juge pas tous les citoyens à la même enseigne. Imaginez un instant qu’un simple employé détourne quelques milliers d’euros de sa boîte. Pas de transaction à l’amiable pour lui : c’est tribunal direct et remboursement sous astreinte. Mais pour Fillon ? Il suffit d’un chèque et tout s’apaise, comme si l’Assemblée nationale était devenue une brocante où l’on négocie sa culpabilité.
On a beau nous vendre la séparation des pouvoirs, la réalité est moins reluisante. Justice et politique dansent un tango insidieux, où chacun couvre l’autre sous prétexte de maintenir « la stabilité de l’État ». Mais quelle stabilité peut-on espérer d’un système gangrené par de tels arrangements ?
L’Assemblée nationale, ce théâtre de l’absurde
Le plus triste, dans cette histoire, c’est que l’institution même de l’Assemblée sort encore plus dévalorisée. Loin d’être ce haut lieu de la démocratie où se dessinent les lois et les rêves de la nation, elle ressemble de plus en plus à un club réservé à une élite déconnectée.
Les scandales à répétition – entre notes de frais douteuses, emplois fictifs et conflits d’intérêts – achèvent de discréditer une institution déjà malmenée par l’abstention et le désintérêt des citoyens. Comment demander au peuple de croire en la politique quand ses représentants eux-mêmes semblent en faire une entreprise lucrative ?
Un naufrage collectif
Fillon n’est pas le problème, il est le symptôme. Le vrai drame, c’est une société qui a appris à fermer les yeux sur la corruption ordinaire des puissants, comme si cela faisait partie du jeu. Nous avons banalisé l’impunité. À force de nous scandaliser à chaque nouvelle affaire, nous avons oublié que ces scandales sont le fruit d’un système qui les produit à la chaîne.
Les jeunes générations, elles, ne sont pas dupes. Elles ont compris que voter pour ces figures grisonnantes, c’est cautionner un système à bout de souffle. La solution n’est pas dans un chèque de 700 000 euros, mais dans un renouvellement profond, radical. Mais soyons honnêtes : qui, parmi les acteurs actuels, a vraiment intérêt à ce changement ?
Ce pays a besoin d’un électrochoc. Peut-être pas un grand soir révolutionnaire, mais au moins un sursaut d’indignation collective. Parce qu’à ce rythme, la République finira par ne plus être qu’un décor vide, avec quelques anciens ministres jouant les derniers actes d’une pièce tragiquement absurde.