L’architecte qui dessinait des villes
Quand Paul Chemetov s’est éteint à l’âge vénérable de 95 ans, il n’a pas juste laissé derrière lui des bâtiments, mais des fragments de Paris elle-même, sculptés dans le béton et les ambitions modernistes. Si vous avez déjà flâné autour de Bercy ou perdu votre souffle dans la majesté reconstruite de la Grande Galerie de l’évolution, vous avez touché du doigt l’œuvre de Chemetov. Le géant s’est éteint ce lundi, mais ses créations, véritables vaisseaux de béton naviguant à travers le temps, restent plus vivantes que jamais.
Une signature sur la capitale
Chemetov, c’était le « paquebot » de Bercy, ce bâtiment administratif colossal érigé entre 1984 et 1989, qui semble presque flotter sur ses douves comme un château médiéval ultra-moderne. Non content de simplement utiliser l’espace, il le transformait, jouant avec la Seine comme un peintre avec sa palette. Et dans chaque recoin de Paris, de la place Carrée au Forum des Halles à l’ambassade de France en Inde, ses bâtiments parlent de son génie, parfois controversé, toujours impressionnant.
Le béton, c’est chic?
Il n’est pas faux de dire que Chemetov a parfois divisé les critiques. Ses bâtiments, souvent massifs et impérieux, peuvent sembler à certains des blocs de béton sans âme. Mais c’est manquer la vision de Chemetov : une beauté fonctionnelle, un urbanisme au service du peuple. Son adhésion de longue date au Parti communiste n’était pas qu’une couleur politique; c’était le prisme à travers lequel il voyait le rôle de l’architecture dans la société — un outil pour l’égalité, un rempart contre la disparité.
Des combats jusqu’au bout
Chemetov n’était pas homme à se laisser faire, même face à l’inexorable marche du progrès qui menaçait de raser ses créations les plus polémiques. En Essonne, il a mené des batailles judiciaires pour sauver ses édifices de la démolition — un combat perdu, mais qui témoigne de sa passion et de son engagement pour chaque pierre et chaque pilier qu’il a érigés. Ces bâtiments détruits, comme des fantômes, hantent peut-être les périphéries parisiennes, mais ils rappellent aussi l’acharnement avec lequel Chemetov défendait sa vision.
Le béton et les étoiles
Alors que Paris continue de se transformer, les œuvres de Chemetov demeurent des ancres dans le flux incessant de la modernité. Peut-être que certains de ses bâtiments ne survivront pas à l’épreuve du temps, mais les idéaux qu’ils incarnent — une ville construite pour tous, un urbanisme qui élève l’esprit autant qu’il abrite les corps — resteront. Paul Chemetov n’était pas juste un architecte. Il était un poète du béton, un rêveur de villes meilleures. Sa disparition marque la fin d’une époque, mais aussi le début d’une réflexion sur ce que signifie construire, non seulement pour le présent mais pour l’éternité.
Alors que je marche à travers les rues de Paris, chaque pas résonne un peu du travail de Chemetov. La ville, cette immense toile, porte les traces indélébiles de ses coups de pinceau audacieux. Et dans chaque espace qu’il a touché, je trouve un rappel : l’architecture, c’est bien plus que des pierres. C’est l’histoire, la politique, la vie. Adieu, Chemetov, et merci pour les rêves.