Leclerc pique, Arnault réplique
Au départ, Michel-Édouard Leclerc a accusé Bernard Arnault de faire du chantage, rien que ça. Selon le premier, évoquer le risque de délocaliser pour éviter une surtaxe d’impôt sur les sociétés tient plus de la menace que de la simple mise en garde. Comme s’il voulait dire : « Tu menaces de t’en aller si on te demande quelques euros de plus ? » La posture est provocante, et Leclerc n’a pas hésité à la qualifier de petite manœuvre, voire d’instrumentalisation.
Face à cette offensive, Bernard Arnault n’a pas tardé à riposter. « Je n’ai bien entendu jamais dit que nous allions délocaliser », a-t-il expliqué sur le réseau social X, un brin excédé par la polémique. Son argument ? Il aime la France, il croit en ses talents, et il veut simplement que notre pays demeure compétitif. Il semble surtout s’inquiéter de l’impact d’une augmentation de la fiscalité sur les entreprises, tout en précisant qu’il n’a jamais envisagé de faire ses valises du jour au lendemain.
La surtaxe sous les projecteurs
Au cœur du problème, il y a cette surtaxe prévue dans le projet de budget pour 2025, une mesure que le PDG de LVMH juge totalement contre-productive. Pour lui, taxer davantage les groupes français qui produisent, investissent et se développent sur notre territoire, c’est presque leur dire : « Eh, levez le camp, vous serez mieux ailleurs ! » L’expression « taxe du Made in France » a été lâchée pour souligner que la mesure viserait, en pratique, ceux qui font fabriquer chez nous.
Pendant ce temps, Michel-Édouard Leclerc joue la carte du défenseur des PME françaises et lui reproche d’agiter un drapeau de menace. Mais Arnault n’a pas apprécié : si Leclerc veut vraiment soutenir les petits producteurs, qu’il accepte peut-être d’arrêter la course aux prix toujours plus bas dans ses supermarchés. Traduction : ton patriotisme économique, essaie d’abord de l’appliquer à tes rayons en laissant un peu plus de marge aux fournisseurs nationaux.
Patriotes ou stratèges ?
Difficile de dire si cette querelle est sincèrement motivée par l’amour du Made in France ou si on assiste à un combat d’égo où les deux géants protègent avant tout leurs intérêts. Les PME peuvent sûrement se sentir prises en étau : d’un côté, elles voient leur marge grignotée par la grande distribution ; de l’autre, elles craignent un climat fiscal peu avantageux si cette surtaxe finit par se concrétiser. Et nous, on se retrouve spectateurs d’un spectacle où chacun revendique l’étoffe du chevalier blanc de l’industrie française.
En arrière-plan, il y a également la question de l’image. LVMH a besoin d’être perçu comme le champion du luxe français, celui qui brille à l’international tout en préservant nos traditions. Leclerc veut apparaître comme le sauveur du pouvoir d’achat, le partenaire des consommateurs et des fournisseurs. Alors, quand Arnault reproche à Leclerc de « presser » les producteurs pour tirer les prix vers le bas, le supermarché symbolise tout ce que le luxe déteste : le volume, la concurrence acharnée et la guerre des marges.
Un bras de fer sur fond de patriotisme
Le plus fascinant dans cette bataille, c’est peut-être la manière dont chaque camp en appelle à un certain patriotisme. Sauf qu’il ne s’agit pas du tout du même : l’un veut protéger sa compétitivité et donc s’oppose à la surtaxe, l’autre veut défendre les PME mais oublie peut-être ses propres pratiques commerciales. Qui dit vrai ? Qui manipule l’opinion ? Un peu tout le monde, sans doute.
Mon instinct me souffle qu’on se retrouve face à deux géants qui se disputent la palme de celui qui représente le mieux l’intérêt national, tout en veillant à leurs bénéfices. C’est un jeu d’équilibriste, un mélange de calcul cynique et de discours passionné. Est-ce qu’on peut vraiment leur en vouloir ? C’est peut-être juste la règle du jeu quand on pèse des milliards et qu’on doit rendre des comptes, autant aux actionnaires qu’aux citoyens.
Il n’empêche que, dans ce conflit, on pourrait espérer qu’un projet plus ambitieux émerge pour la défense de nos industries et de nos produits. Je serais curieux de voir si ce coup de théâtre accouchera d’une véritable volonté d’avancer collectivement et de repenser la manière dont on taxe les grandes entreprises, tout en mettant fin à la pression subie par nos fournisseurs nationaux. Alors, si vous cherchez un peu d’adrénaline économique, cette histoire vaut le détour. Les deux poids lourds du Made in France nous prouvent qu’on sait aussi se disputer bruyamment, tout en maniant l’art de la com’ avec une virtuosité quasi cynique. Bienvenue dans l’arène.