Une gauche qui joue à cache-cache avec elle-même
Jospin, c’est un peu le daron qui revient expliquer aux ados turbulents comment fonctionne la démocratie. Son constat est clair : la gauche ne peut pas être un bloc homogène soumis à la dictature d’un chef unique. Autrement dit, il vise directement Jean-Luc Mélenchon, dont les méthodes autoritaires font frémir une bonne partie des socialistes et des écologistes. Si l’ex-Premier ministre n’a pas nommé le tribun insoumis, difficile de ne pas voir son ombre planer sur cette déclaration.
Le problème ? À force d’essayer de rassembler tout le monde, la gauche donne l’image d’un équipage ivre essayant de ramer dans des directions opposées. Entre l’écologie dogmatique des Verts, le socialisme tiède du PS, la radicalité de LFI et le communisme nostalgique du PCF, difficile de faire un programme cohérent. C’est comme essayer de faire cohabiter du punk, du jazz et du rap sur le même album : l’idée est belle, mais ça finit souvent en cacophonie.
Jospin, le revenant qu’on n’attendait plus
À bien y regarder, ce retour de Lionel Jospin est presque cocasse. Ce même Jospin qui, en 2002, s’était pris une gifle historique en étant éliminé au premier tour par Jean-Marie Le Pen, annonçant fièrement qu’il quittait la politique. Un départ aussi définitif qu’un groupe de rock qui annonce sa dernière tournée tous les trois ans.
Mais contrairement à d’autres anciens Premiers ministres qui radotent dans les médias (coucou Édouard Balladur), Jospin n’a pas totalement perdu la main. Sa sortie est bien calculée : en rappelant la nécessité d’unir la gauche sans la soumettre à un seul homme, il joue le rôle du vieux sage, celui qui sait comment éviter le naufrage. Il offre une porte de sortie à ceux qui refusent de s’agenouiller devant Mélenchon tout en évitant de jeter totalement la Nupes aux orties.
Une gauche en crise existentielle
Ce que Jospin souligne sans le dire, c’est que la gauche actuelle est en pleine crise identitaire. À force de vouloir séduire toutes les sensibilités, elle finit par ne plus ressembler à rien. Entre les socio-démocrates qui pleurent la disparition du hollandisme, les insoumis qui fantasment sur une révolution et les écolos qui veulent transformer chaque ville en Amsterdam, difficile de trouver un socle commun.
Et pourtant, l’électorat est là. Les jeunes, les classes populaires, les précaires, les étudiants, les salariés sous pression… Tous cherchent une alternative crédible au duel Macron-Le Pen. Mais au lieu de leur offrir un programme clair, la gauche leur sert un spectacle digne d’un épisode raté de “Game of Thrones” : trahisons, coups bas, alliances brisées et égocentrismes surdimensionnés.
L’héritage de Jospin, un modèle encore viable ?
Le retour de Jospin pose aussi une autre question : son modèle est-il encore adapté ? Le socialisme de gouvernement des années 90, basé sur la rigueur budgétaire et le réformisme progressif, semble aujourd’hui dépassé. À l’heure où la radicalité domine le débat, où chaque camp crie plus fort que l’autre sur les réseaux sociaux, peut-on encore séduire avec des discours mesurés et des compromis ?
Le problème, c’est que la gauche semble coincée entre deux options aussi peu séduisantes l’une que l’autre : soit elle se recentre et se coupe de sa base populaire, soit elle se radicalise et effraie l’électorat modéré. Un dilemme qui la condamne pour l’instant à l’éternelle opposition.
Un dernier conseil avant de raccrocher
Lionel Jospin n’a probablement pas l’intention de revenir sur le devant de la scène. Mais son message est clair : si la gauche veut exister en 2027, elle doit cesser d’être un cirque et redevenir un mouvement politique crédible. À bon entendeur.