Le contexte de la nomination
C’est un véritable coup de théâtre qui se joue à Paris. Après une validation âprement disputée – la candidature ayant obtenu une voix de plus grâce à l’abstention stratégique de certaines franges politiques – Ferrand s’apprête à prendre ses fonctions le 8 mars, en même temps que deux nouveaux « Sages » : le sénateur LR Philippe Bas et l’ancienne magistrate et députée Modem Laurence Vichnievsky. L’opération, qui a été saluée par Emmanuel Macron lui-même, s’inscrit dans une dynamique où le pouvoir semble se jouer en coulisses, loin des regards scrutateurs du grand public. Avec des votes obtenus dans des conditions pour le moins discutable – trois cinquièmes des voix attendues pour rejeter sa candidature, gracieusement compensés par l’abstention du Rassemblement national, de la gauche et d’une bonne partie de la droite – on se demande si la rigueur démocratique a été sacrifiée sur l’autel du pragmatisme politique.
Un choix contesté
Pas question de passer sous silence le tollé que cette nomination a provoqué. Les critiques fusent de tous côtés, avec des voix qui dénoncent une manœuvre orchestrée et contestable. Certains, parmi les présidents des groupes à l’Assemblée et au Sénat, n’ont pas tari d’éloges sarcastiques, appelant Ferrand à se retirer ou incitant le président Macron à retirer sa signature. Ce climat de tension et d’insatisfaction rappelle les vieux films politiques où les alliances se font et se défont à coups de votes en coulisses. La légitimité de ce choix est remise en cause par ceux qui y voient une preuve criante de l’arrogance de la haute politique française, trop souvent guidée par des intérêts partisans plutôt que par le véritable service public.
Hommage et continuité
Pourtant, dans son communiqué, l’ex-président de l’Assemblée n’a pas ménagé ses hommages à son prédécesseur, Laurent Fabius, qui avait su « ouvrir l’institution » en y insufflant la valeur constitutionnelle du principe de fraternité et en défendant ardemment les droits environnementaux. Ferrand se veut le digne successeur de cette tradition, affirmant vouloir « poursuivre ces actions avec les exigences qui sont celles de l’institution ». Ce discours, bien que formaté dans les conventions politiques habituelles, résonne étrangement comme une promesse de continuité, dans un environnement où les valeurs sont souvent bafouées au profit des calculs électoraux et des compromis douteux.
Un avenir chargé de décisions
Au-delà des polémiques internes, le nouveau Conseil constitutionnel, avec Ferrand en chef, se trouve déjà confronté à des dossiers qui pourraient bien redéfinir la jurisprudence française. Un cas particulièrement épineux concerne une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par un élu mahorais, dont la peine d’inéligibilité est remise en question. Ce dossier, potentiellement historique, risque de jeter une lumière crue sur les pratiques électorales et pourrait même jouer sur les arcanes des affaires impliquant des figures controversées comme Marine Le Pen, sous la menace d’une inéligibilité imminente. Autant dire que l’échéance du 31 mars s’annonce explosive, avec des enjeux qui dépassent largement le cadre habituel des débats constitutionnels.
Au final, ce remaniement au sommet du Conseil constitutionnel ne manquera pas de faire couler beaucoup d’encre et d’alimenter les discussions dans les cafés branchés de Paris. Pour ma part, je trouve cette manœuvre à la fois fascinante et dérangeante : fascinante, parce qu’elle met en lumière la complexité d’un système où le pouvoir se négocie dans l’ombre, et dérangeante, car elle reflète une dérive qui pourrait bien miner la crédibilité de nos institutions. L’avenir nous dira si Ferrand saura incarner la modernité et la rigueur nécessaires à son nouveau poste, ou s’il se transformera en une autre figure controversée de la scène politique parisienne. En tout cas, si l’occasion se présente, je ne manquerai pas d’aller voir par moi-même les répercussions de cette nomination dans un bar du Marais, où la politique se vit autant en débats passionnés qu’en verres levés.