Retour rapide sur la réforme
Le texte, porté par le député Renaissance Sylvain Maillard, dynamite la loi PLM de 1982 : fini l’unique bulletin par arrondissement, place à deux scrutins distincts – l’un pour les conseillers d’arrondissement, l’autre, sur circonscription unique, pour le conseil municipal. La prime majoritaire passerait de 50 % à 25 %, histoire de calmer les “cadeaux” aux listes gagnantes. Objectif officiel : « Un électeur = une voix » dans chacun des trois mastodontes urbains.
Une coalition improbable à l’Assemblée
Le 9 avril, l’Assemblée a adopté la réforme grâce à une marmite politique digne d’un épisode de Koh-Lanta : centristes macronistes, Insoumis et Rassemblement national côte à côte, sous l’œil goguenard d’une droite fracturée. À Paris, Rachida Dati – ex-LR, désormais ministre et VRP officielle du projet – a plaidé que le système actuel était aussi daté que le Minitel. Pendant ce temps, sur les bancs LR, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau se tapaient dessus par députés interposés, prouvant qu’en 2025 la droite reste son pire ennemi.
Le Sénat sort la sulfateuse
Sauf miracle, la Chambre haute va mettre le texte à la poubelle après le goûter : la commission des lois l’a déjà repoussé à la vitesse d’un râteau Tinder, quasi unanimement, le 21 mai. Le patron du Sénat, Gérard Larcher, qualifie la manœuvre de « tripatouillage à la dernière minute » ; il n’a pas prononcé le mot, mais on a senti le parfum de la guillotine parlementaire. Le chef des sénateurs LR, Mathieu Darnaud, s’étouffe à l’idée de bricoler les règles « moins d’un an avant le scrutin ».
Pourquoi ça coince vraiment
Derrière les grandes envolées démocratiques se cache la vieille calculatrice électorale :
– Les Républicains craignent de perdre leurs fiefs chic de l’Ouest parisien si le vote devient trop homogène.
– Les socialistes flippent de voir s’évaporer leurs bastions marseillais, sauf quelques élus locaux qui flairent le coup de poker.
– Les marcheurs imaginent qu’une prime plus maigre empêcherait les coalitions anti-Macron de rafler la mise en 2026.
Dans ce bal masqué, chaque parti soupçonne les autres de maquiller le scrutin façon drag-queen : beaux fards démocratiques pour mieux dissimuler l’envie de verrouiller la mairie.
L’horloge démocratique en surchauffe
Techniquement, si la réforme n’est pas votée avant janvier 2026, impossible de l’appliquer : il faudrait refaire les listes, imprimer des bulletins et former les assesseurs en moins de temps qu’il ne faut à un Parisien pour râler sur une piste cyclable. Or le premier ministre François Bayrou a juré en février qu’il « n’imaginait pas un texte adopté sans accord des deux Chambres ». Le voilà maintenant face au dilemme : convoquer une commission mixte paritaire et tenter un compromis ou laisser l’Assemblée avoir le dernier mot et braquer encore un peu plus un Sénat déjà bougon.
Et maintenant, on fait quoi ?
Si le texte meurt cet après-midi, le gouvernement devra choisir entre passer en force – déclenchant des hurlements de « coup d’État électoral » – ou enterrer sa réforme dans la naphtaline des belles promesses urbaines. Les militants pro-PLM jurent qu’ils reviendront « sitôt la poussière retombée », comme ces ex qui promettent de rester amis avant de liker vos stories à 3 h du mat. Mon pronostic : à force de retarder la mue, on finira par organiser les municipales 2026 avec un patchwork réglementaire aussi crédible qu’une appli de livraison qui oublierait le pas-de-porte.
J’avoue un goût coupable pour ce grand barnum : voir des sénateurs se découvrir soudain puristes de la temporalité démocratique pendant que des députés jouent aux apprentis sorciers, c’est le meilleur soap de la saison. Si, malgré tout, l’Assemblée décroche le dernier mot, préparez-vous au festival des recours devant le Conseil constitutionnel ; ça fera vibrer les murs plus fort qu’un sound-system de block-party à la Villette.
En attendant, matez bien le vote : c’est peut-être la dernière fois que le Sénat, cette vieille dame pépère, fera trébucher la start-up nation sur un rouleau de parchemin législatif. Et si vous croisez un militant qui distribue des tracts « Un Parisien = Une voix » devant le métro Odéon, offrez-lui un café : la nuit risque d’être longue et, à force de recalculer leurs chances arrondissement par arrondissement, ils vont finir à cours de batterie plus vite qu’un iPhone X en hiver.