par | 6 Mai 2025 à 17:05

La Recyclerie en sursis : la gare verte du 18ᵉ vacille

Perchée à deux pas de la petite ceinture, la REcyclerie fête ses dix ans dans une ancienne gare du boulevard Ornano, mais le joyau éco-responsable tangue dangereusement : finances au plus bas, programmation foisonnante, ateliers urbains et café-cantine s’accrochent à leur dernier souffle.
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Quand la gare reprend vie

Imagine-toi un vestige ferroviaire – rails rouillés, quais déserts – transformé en un havre végétal où clapotent poules et commérages. Depuis mai 2015, cette station post-industrielle du 18ᵉ arrondissement s’est muée en ferme urbaine, cultivant légumes de saison et curiosité citoyenne. On y croise des œufs frais ramassés par des bambins ravis, se faufile entre potagers aromatiques et bacs de récup’, délaissant l’habituel béton parisien pour un décor champêtre en plein Paris. C’est là que la magie opère : machines à café se mêlent aux machines à coudre pour upcycler un monde jetable.

Une mosaïque d’activités improbables

Bouffe végé du mercredi au vendredi – burgers maison, croque-monsieur revisité, brownies fondants – terrasse plantée où l’on sirote un expresso bio en marge d’une expo d’art ou d’un set de hip-hop. Ateliers bricolage pour apprivoiser la perceuse, sessions de repair café pour ressusciter ton grille-pain, conf’ sur l’agroécologie au détour d’une discussion enflammée… Ici, tu peux tchatcher, chiner fringues upcyclées, applaudir un jeune slameur et finir la soirée autour d’un deck de DJ, le tout sans avoir à ressortir ton porte-monnaie en sueur de chez Starbucks.

Une frilosité économique qui pique

Pourtant, ce tiers-lieu aux allures de miracle vert est plus que jamais sur la corde raide. Dans un post Instagram publié début mai 2025, l’équipe alerte : « La REcyclerie ouvre ce printemps plus fragiles qu’elle ne l’a jamais été. Sa situation économique est précaire et son avenir se jouera au cours des prochains mois. » Ces mots claquent comme un avertissement : six jours d’ouverture hebdomadaire (du mercredi au dimanche), 83 boulevard Ornano, 75018 Paris. Les comptes sont à l’agonie, la fréquentation peine à compenser loyers et projets culturels.

Un quartier en mutation

À l’ombre du périphérique, le 18ᵉ se ravigote : street art qui explose, lofts qui poussent, start-ups qui repeuplent les ateliers désaffectés. Mais ce boom urbain écrase parfois les initiatives conscientes. Tandis que la REcyclerie propose un antidote écologique à la gentrification, les promoteurs lorgnent chaque mètre carré de friche à redévelopper. Le paradoxe pique : quand un concept local se fait dévorer par l’urbanisation sauvage, qui soutient réellement la culture alternative qu’il prétend chérir ?

Un écosystème local à bout de souffle

Crois-moi, j’y ai traîné mes jeans troués et ma tasse réutilisable plus d’une fois. L’énergie tenace des bénévoles, l’odeur du pain frais, les débats passionnés autour de l’économie circulaire… Tout ça te reste en tête comme la meilleure claque d’un festival underground. Mais voilà : pique-niques improvisés, marchés bio, ateliers zéro déchet ne rapportent pas assez pour couvrir un bail qui n’attend pas. La REcyclerie, c’est un écosystème où chaque grain de terre compte, mais les chiffres tournent en rond.

Une mixité qui crève l’écran

On y croise la génération Z en quête de sens, les trentenaires en mode slow life, des familles éco-conscientes et des artistes qui plantent leurs idées dans des vieilles brassées de coquelicots. Cette alchimie improbable nourrit un bouillon de créativité : lectures slam, DJ sets, projections de documentaires, et même cours de yoga dans un wagon transformé en dojo. Tout est pensé pour que tu te sentes libre, loin du ronron métro-boulot-dodo.

Quand la culture se joue au prix fort

Oublie les musées poussiéreux : ici, c’est la culture qui se vend au prix d’un café. Pour quelques euros, tu te réappropries un pan de l’histoire ferroviaire, tu soutiens l’art local et tu plonges dans une économie circulaire qui tâche parfois. Mais face à la flambée des coûts, la moindre soirée perd de son sens si le lieu disparaît avant l’épilogue.

Le goût amer d’un réveil brutal

Le risque de fermeture plane comme une grêle de plomb : imaginons la gare devenue encore une fois fantôme, les rails muets, les poules dispersées. Ce serait un mauvais gag, un symbole de plus que l’innovation sociale n’a pas le vent en poupe quand elle dérange les logiques spéculatives. Le goût amer, c’est celui d’un pari lancé il y a dix ans, d’un projet qui a redonné vie à une ruine, prêt à être englouti par la même inertie qu’il cherchait à combattre.

Pour celles et ceux qui vibrent à la perspective de voir un refuge alternatif sombrer dans l’oubli, sachez que chaque visite est une piqûre de rappel : sans vous, sans ton cœur un peu rebelle, la REcyclerie pourrait bien tirer sa révérence. Alors, glisse-toi dans son antre capricieuse, goûte la soupe locale, écoute un poète en herbe et dépose une pièce dans la boîte à dons – pas pour la gloire, mais pour sauver un rêve vert planté en plein Paris.

Tom, rédacteur passionné chez ANousParis 🖋️. Je couvre toute l'actu parisienne - culture, événements, et tendances de la Ville Lumière! 🗼