La « taxe soda » ou la revanche de la politique contre Big Sugar
L’idée de cette taxe est née d’une frustration quasi-militante contre le sucre, ennemi juré des nutritionnistes et des agences de santé publique. Inspirée du modèle britannique, cette réforme cherche à imposer des limites aux fabricants de boissons en fonction de leur teneur en sucre. Trois tranches d’imposition, contre seize auparavant, devraient simplifier le système et le rendre plus mordant. Imaginez un régime fiscal où chaque gramme de sucre devient un petit coup de fouet pour les industriels trop laxistes avec notre santé.
Mais pourquoi s’inspirer de l’Angleterre ? Parce que nos voisins d’outre-Manche ont déjà prouvé que cette stratégie marche. Les entreprises, pour éviter une lourde fiscalité, ont peu à peu réduit le sucre dans leurs produits, comme un compromis entre leur amour du profit et les intérêts des consommateurs. En France, les députés socialistes, écologistes, et de gauche ont flairé l’opportunité d’en finir avec l’ère du soda sur-sucré. Même la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, a apporté son soutien, peut-être en espérant secrètement voir une génération moins accros aux sodas. Mais ne soyons pas dupes, la bataille politique n’est jamais aussi innocente.
Les divisions politiques, ou comment on se prend la tête pour une canette de soda
Ce qui devait être une lutte unie contre le sucre s’est rapidement transformé en querelle de clocher. À gauche, on y a vu une chance de faire passer un message fort aux industriels. À droite, par contre, les divisions ont fusé. Les Républicains et les membres d’Ensemble pour la République n’ont pas réussi à se mettre d’accord, illustrant une fois de plus la complexité d’unir les voix sur des sujets de santé publique quand le mot « taxe » est en jeu.
Côté macronie, les tensions étaient palpables. Entre ceux qui, par pragmatisme, soutiennent la réforme, et les autres, plus timorés face à une potentielle colère des industries agroalimentaires, la ligne de fracture est nette. Comme quoi, même dans les rangs de ceux qui prônent le « ni gauche ni droite », l’argent et la santé ne font jamais bon ménage.
Un coup pour les industriels sucriers : bienvenue dans l’ère du Nutri-Score obligatoire
Et comme si la « taxe soda » ne suffisait pas, les députés ont aussi décidé de renforcer le Nutri-Score. Désormais, les entreprises devront afficher cet indicateur nutritionnel dans toutes leurs publicités, sous peine de se voir infliger une « contribution » équivalente à 5 % de leur budget marketing. En d’autres termes : pas de Nutri-Score, pas de pub. L’idée est brillante : forcer les géants de l’alimentation à révéler le contenu de leurs produits. Mais imaginez le cauchemar des directeurs marketing qui devront désormais jongler entre slogans alléchants et avertissements nutritionnels.
Ce tour de vis montre bien que le sucre n’est plus seulement une affaire de goût ; c’est une affaire d’image. Pour les marques, montrer un Nutri-Score médiocre pourrait bien nuire à leur réputation auprès d’un public de plus en plus soucieux de ce qu’il consomme. Les temps changent, et l’ère du « cachons le sucre sous le tapis » touche à sa fin.
Mais attention, rien n’est joué : le spectre de l’article 49.3
Toute cette agitation pourrait cependant être balayée d’un revers de la main par l’article 49.3, ce joker du gouvernement qui lui permet d’imposer un texte en force. En clair, si le Premier ministre décidait de passer en force, seules les réformes validées par le gouvernement seraient conservées. Et là, adieu la « taxe soda » et les bonnes intentions. Un coup de théâtre à l’Assemblée n’est jamais à exclure, surtout quand il s’agit de protéger les intérêts financiers.
Alors, on peut dire que le sucre est devenu bien plus qu’un simple ingrédient. C’est un véritable champ de bataille où les enjeux financiers, la santé publique et les convictions politiques s’entremêlent dans une danse complexe. Pour l’instant, la guerre contre le sucre a remporté une petite victoire, mais la grande bataille n’est pas finie.
Pour nous, consommateurs, le message est clair : notre santé est devenue une monnaie d’échange.