Un malaise qui bout depuis des années
Les taxis râlent, certes, mais pas n’importe quand : 2025 est l’année où le compteur a explosé. Depuis 2019, leurs recettes liées au transport sanitaire ont bondi de 45 %, atteignant 3,07 milliards d’euros sur une ardoise totale de 6,74 milliards pour l’Assurance maladie en 2024.
Les pouvoirs publics, eux, voient cette flambée comme une batterie de faux frais – et dégainent une nouvelle convention censée freiner la dépense. Première riposte : un forfait de 13 € par patient, puis un tarif kilométrique taillé au couteau, à appliquer dès le 1ᵉʳ octobre. Pour les chauffeurs, c’est un sale tour de passe-passe : « Vous payez l’essence, l’attente, les bouchons, et vous rentrez chez vous avec un ticket resto », grogne Ahmed, 14 heures de volant dans les veines.
La goutte d’huile qui fait flamber le compteur
Si les pneus grincent aujourd’hui, ce n’est pas seulement à cause d’une feuille Excel. La vraie étincelle, c’est ce duel sanglant avec les VTC. On parle de plateformes qui recrutent plus vite qu’un bar distribue les shots, chauffeurs parfois formés à l’arrache, assurance en pointillé, fiscalité sous antidépresseurs. Le ministère promet de parler « concurrence équitable» et « lutte contre la fraude » autour de la table ; les taxis veulent surtout des contrôles réellement exécutés, pas des vœux pieux planqués dans un communiqué de presse.
François Bayrou, ultra-pragmatique depuis son fauteuil à Matignon, sait qu’il joue gros : l’image d’un gouvernement qui cède à Uber & co ne passerait pas, surtout quand lui-même annonce des coupes budgétaires à 40 milliards et appelle « tout le monde à l’effort ».
Chiffres sous le capot : où part le fric ?
Pour comprendre la rage, il faut regarder la calculette :
— 6,74 milliards d’euros dépensés en 2024 par la Sécu pour transporter des patients, dont 3,07 milliards pour les taxis conventionnés.
— Un saut de 45 % depuis 2019, alors que le prix du gasoil, lui, a juste flirté avec les étoiles.
— Un forfait ridiculement figé à 13 € proposé par la nouvelle convention : trois expressos, un croissant et basta.
— Côté VTC : +28 % de chauffeurs recensés en Île-de-France l’an dernier, souvent sans la même lourdeur réglementaire.
L’équation est simple : moins de marge sur les malades, plus de concurrence sur les touristes = colère XXL.
VTC, ces cousins mal élevés
Dans les cafés de chauffeurs, on décrit les plateformes comme des potes de soirée qui piquent votre manteau en partant. Les syndicats racontent des astuces de licence bidouillée, des systèmes de « chauffeur loué à la journée » et une géolocalisation qui tourne à la centrifugeuse 24/24. Les VTC jurent respecter la loi mais, comme par hasard, se retrouvent toujours devant la file de taxis à Roissy. Les représentants VTC seront autour de la même table aujourd’hui : ambiance poker menteur garantie.
Et si ça capote ? Le périph’ en otage
« Aujourd’hui c’est soft », a prévenu Dominique Buisson, secrétaire fédéral de la Fédération nationale du taxi. Traduction : tu kiffes encore ton trottinette pour aller bosser ? Profites-en, demain les ponts d’Île-de-France pourraient ressembler à une pub pour Mad Max. Blocages possibles des gares, opérations escargots sur A6 et A13, périph rouge tomate. Les provinciaux déboulent – Pau, Marseille, Lyon –, histoire de rappeler que la colère ne s’arrête pas au panneau « Bienvenue en IDF ».
Et au milieu, les Parisiens : déjà traumatisés par la perspective d’un pont de l’Ascension version kaléidoscope Bison Futé. Si la réunion échoue, la capitale risque de découvrir qu’un taxi peut être à la fois véhicule de service et barricade sur roues.
Mon coup de volant perso
Soyons clairs : je n’ai jamais passé ma carte pro, mais j’ai assez arpenté les banquettes arrière pour sentir la fierté et la lassitude qui transpirent du skaï. Oui, certains taxis jouent à la vieille garde râleuse, nostalgique du temps où Greta Thunberg portait des couches. Mais quand un secteur régulé se bat contre un Far West algorithmique, je penche pour ceux qui paient leurs charges et te ramènent à 3 h du mat sans t’expliquer qu’il « faut changer d’appli parce que le prix a triplé ».
Alors, ce soir, quand le ministère fermera ses portes, je guetterai le klaxon de victoire ou le rugissement de la défaite. Si ça tourne mal, prépare-toi : sneakers ou bus, mais laisse la caisse au garage. Et si jamais un taxi te raconte qu’il a roulé vingt heures pour finir à découvert, écoute-le. Paris adore les histoires de révolte en pleine chaussée – c’est plus rock’n’roll qu’un énième coffee shop à avoine.
À toi de voir si tu prends place dans un taxi demain : peut-être que la balade sera lente, chargée de fumée et de klaxons, mais au moins tu vivras un morceau de cette ville qui ne négocie jamais sa verve ni son droit à gueuler quand on touche au bifteck.