Big Brother s’invite dans le métro
Imaginez : un contrôle classique, un fraudeur qui tente de jouer la carte de l’adresse fictive pour éviter de payer l’amende. Mais cette fois, au lieu de hausser les épaules, le contrôleur sort une arme fatale : une tablette capable de vérifier votre identité et votre vraie adresse en temps réel. C’est grâce à API FINE, un système connecté directement aux bases de données de l’administration publique. En clair, fini les « je vis chez mon cousin à Trifouillis-les-Oies », la RATP connaît maintenant votre vie mieux que votre propre mère.
On pourrait applaudir la performance technologique si cela ne sonnait pas comme un épisode dystopique de Black Mirror. Une simple amende, et voilà qu’on vous scanne l’âme. Le contrôle devient une fouille psychologique, et le métro un terrain de chasse.
Les fraudeurs, vraiment le problème ?
Mais sérieusement, qui croit encore que les fraudeurs sont la raison pour laquelle les rames de la ligne 13 ressemblent à des boîtes de sardines un lundi matin ? La RATP justifie cette chasse aux sorcières par un manque à gagner estimé à 300 millions d’euros. C’est colossal, on vous l’accorde. Mais comparons : le Grand Paris Express, ce projet pharaonique qui fait exploser les budgets, a coûté 43 milliards d’euros. À côté, la fraude paraît presque anecdotique.
Et puis soyons honnêtes : si certains sautent le portillon, c’est souvent parce qu’un Navigo à 84,10 euros par mois, c’est un luxe. Quand on galère à remplir son frigo, le métro passe vite en bas de la liste des priorités. Cette mesure punit davantage la précarité que l’immoralité.
L’ère de la surveillance totale
Avec API FINE, la RATP franchit un cap inquiétant. Ce n’est plus simplement un ticket ou une carte qu’on vérifie, c’est votre identité profonde. On prétend traquer les fraudeurs, mais on ouvre la porte à des dérives bien plus larges. À quand les drones qui scannent votre visage sur le quai pour vérifier si vous avez payé ?
Et ne nous leurrons pas : ce genre d’outil, une fois créé, trouve toujours d’autres usages. Aujourd’hui, c’est la fraude dans le métro ; demain, c’est peut-être un contrôle généralisé de la population. Le glissement est insidieux, et personne ne semble vouloir poser de limites.
Entre sarcasme et réalité
On en rigole – un peu – mais la situation est glaçante. En essayant de faire porter le chapeau aux fraudeurs, la RATP nous distrait du vrai problème : la gestion catastrophique des transports en Île-de-France. Des retards chroniques aux rames bondées, les galères sont le quotidien des usagers, qu’ils paient ou non leur ticket.
Et si, au lieu de fliquer les précaires, on utilisait cet argent pour améliorer les services ? Si l’on faisait du métro un lieu sûr et fonctionnel, plutôt qu’un espace où l’on surveille les citoyens comme des criminels en puissance ? Ces questions, on dirait que personne ne veut y répondre.
Un goût amer d’injustice
En somme, ce nouvel outil n’est pas une solution, c’est une diversion. Une manière de détourner l’attention, tout en mettant encore un peu plus la pression sur les épaules de ceux qui galèrent déjà. Le vieux Paris populaire des chansons de Piaf s’efface pour laisser place à une capitale hyper-connectée, mais froide et sans âme.
Alors oui, continuez à développer des outils pour pister les fraudeurs. Mais n’oubliez pas que pour beaucoup, l’objectif n’est pas de gruger le système, mais simplement de survivre dans une société qui les écrase. Et ça, aucune tablette RATP ne pourra le comprendre.