Un art populaire toujours dénigré
Booba n’a pas besoin de notre validation. Il est l’un des rappeurs les plus streamés, les plus suivis, et il a un empire qui ferait rougir plus d’un entrepreneur de la tech. Et pourtant, même avec toute cette reconnaissance, il souligne une réalité qui fait mal : en France, le rap est toujours considéré comme une sous-culture, un truc de banlieue, une musique de “sauvages”. Oubliez les millions de vues, oubliez le fait que le rap est, depuis plus d’une décennie, le genre musical le plus écouté en France. Pour certains, cela ne compte pas.
Ici, le rap n’est pas vu comme une forme d’expression artistique légitime, mais comme une menace. Une menace à l’ordre établi, à la « bonne culture ». Allez dire ça aux poètes urbains comme Kery James, dont les textes pourraient se lire comme des manifestes politiques. Ou encore aux artistes comme Damso, qui jonglent avec les mots comme Picasso avec ses pinceaux. Le problème ? Ils ont la mauvaise couleur de peau, viennent des mauvais quartiers, et leur art ne rentre pas dans le moule culturel bourgeois.
Une hypocrisie bien française
Ah, la douce France ! Celle qui aime se gargariser de ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, mais qui se chie dessus dès qu’il s’agit de les appliquer à tout le monde. Le rap a toujours été vu comme une menace parce qu’il vient des quartiers populaires, qu’il donne une voix à ceux qu’on préfère ignorer. Mais attention, quand une jeune chanteuse pop blanche s’approprie quelques codes du rap, là, c’est « audacieux », « osé », « étonnamment urbain ». Les rappeurs noirs ou arabes, eux, restent cantonnés à leur rôle d’ »agitateurs ».
Booba a raison de rappeler que la France est encore raciste, parce que, disons-le franchement, ce n’est pas le rap qui gêne. Ce qui gêne, c’est que ce rap parle d’une réalité que beaucoup ne veulent pas entendre. Il met en lumière les inégalités, le racisme, la violence policière, les galères de la vie de banlieue. Ce n’est pas juste du divertissement ; c’est un cri. Et ça, ça fait peur.
Le poids de la culture populaire
Pourtant, le rap a fait plus pour représenter la réalité d’une certaine jeunesse française que n’importe quel autre genre musical ces trente dernières années. C’est le miroir d’une société qui ne veut pas se regarder en face. Quand Booba ou d’autres rappent sur le racisme, la drogue, ou la violence, ce ne sont pas des fantasmes. Ce sont des réalités. Et la réaction souvent hostile des élites culturelles et politiques n’est rien d’autre qu’une tentative de mettre la poussière sous le tapis.
L’ironie est que même avec ce mépris affiché, le rap est devenu l’un des piliers de la culture populaire en France. Il est partout : dans les pubs, dans les films, dans les séries Netflix. Le langage du rap s’infiltre jusque dans les conversations quotidiennes. Mais on ne peut pas se contenter de l’esthétique du rap sans en accepter le message. Et c’est là tout le problème : la France veut le swag, mais pas les soucis qui vont avec.
Booba, l’ultime provocateur
Booba n’est pas seulement un rappeur, c’est un agitateur, un homme d’affaires, un visionnaire, et, disons-le, un emmerdeur de première. Il n’a pas peur de mettre les pieds dans le plat et de dénoncer ce racisme larvé que beaucoup préfèrent ignorer. Et en disant que la France est encore raciste parce que le rap est toujours dénigré, il nous force à nous poser la question : pourquoi, en 2024, en sommes-nous encore là ?
Ce que Booba propose, c’est un miroir. Un miroir qui montre une France qui n’a pas encore fait la paix avec ses propres démons. Une France qui aime la diversité tant qu’elle est contrôlée, formatée, dépolitisée. Mais le rap ne se laisse pas contrôler. Il continue de déranger, de choquer, de bousculer. Et tant mieux, parce que sans ça, on n’avance pas.
Alors, à ceux qui en ont marre du « message », qui voudraient juste écouter du rap « pour le beat », désolé de vous décevoir. Le rap, c’est politique, c’est brut, c’est vrai. Et tant que la France refusera de l’accepter pour ce qu’il est, Booba, et tous ceux qui suivent son sillage, n’auront pas fini de faire du bruit.