Le décalage entre les lois et leur application
Un tiers seulement de la loi immigration de 2023 est aujourd’hui appliqué. Oui, vous avez bien lu : une loi votée il y a moins d’un an, et on en est encore à attendre les décrets comme des colis Amazon bloqués en transit. « Beaucoup de décrets n’ont pas été publiés pour des raisons qui tiennent au contexte politique sans doute », a confié Retailleau. Ce « sans doute » laisse entendre que même lui ne sait pas trop pourquoi ça traîne. Peut-être que certains ministères jouent à la balle chaude avec ces décrets, se renvoyant le dossier pour ne pas se brûler les doigts.
Et si le problème était plus profond ? Une loi, aussi bien intentionnée soit-elle, reste lettre morte tant que son mode d’emploi, aka les décrets d’application, n’est pas livré. Sans ces textes, les préfets, juges et autres acteurs ne peuvent rien faire. C’est comme acheter un meuble Ikea sans le manuel : bonne chance pour le monter.
Une promesse pour 2024, mais après ?
Retailleau se veut rassurant : les décrets « seront publiés avant la fin de cette année ». On pourrait presque applaudir s’il ne s’agissait pas d’un devoir minimum pour une loi adoptée il y a près d’un an. Pire, il admet avoir découvert ce bazar à sa prise de fonction. On frôle le gag administratif, un peu comme si un chef cuisinier découvrait qu’il manque les casseroles pour préparer son menu. Au-delà des décrets du ministère de l’Intérieur, il reste ceux des ministères de la Santé et du Travail. Et là, Retailleau promet de veiller au grain. On a hâte de voir si ses collègues seront aussi zélés que lui. Spoiler : ce n’est pas gagné.
Mais le vrai rebondissement, c’est l’annonce d’une nouvelle loi immigration prévue pour 2025. Oui, une nouvelle loi, alors que la précédente est à peine en rodage. On marche sur la tête. La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, explique qu’il faut « adapter un certain nombre de dispositions ». Traduction : ce qui a été voté en 2023 n’était pas suffisant ou pas clair. On change les règles du jeu avant même d’avoir joué la partie. C’est un peu comme si un réalisateur lançait une suite alors que le premier film n’a même pas fini d’être monté.
Une réforme ou un éternel recommencement ?
Gabriel Attal, l’ancien Premier ministre, a tenté de remettre les pendules à l’heure. « On a adopté une loi il y a moins d’un an avec des mesures, dont certaines ne sont pas encore en vigueur », s’étonne-t-il. Pas besoin d’être un génie pour comprendre que cette surenchère législative est contre-productive. Faire voter des lois sans s’assurer qu’elles sont applicables, c’est comme empiler des assiettes sur une table bancale. À force, tout finit par se casser la gueule.
On est face à une gestion kafkaïenne de l’immigration. D’un côté, des responsables politiques qui enchaînent les annonces pour montrer qu’ils agissent. De l’autre, une machine administrative qui avance au ralenti, empêtrée dans ses propres contradictions. Et au milieu, des citoyens et des migrants qui attendent des réponses concrètes, pas des promesses en l’air.
L’avenir incertain d’une loi déjà obsolète
La vraie question n’est pas de savoir si Retailleau tiendra sa promesse pour 2024. Il pourrait publier tous les décrets du monde, la loi de 2023 restera une coquille vide si elle est déjà remplacée en 2025. Ce cycle infernal de lois et de réformes illustre un mal profond : une incapacité à penser des politiques migratoires durables, qui dépassent les calculs électoraux ou les effets d’annonce. Et c’est là que le bât blesse.
En attendant, on regarde ce cirque législatif avec un mélange de consternation et d’amusement. Et on se demande : à quand une loi immigration qui tiendra vraiment ses promesses ? Mais ça, c’est sans doute une autre saison de notre série politique préférée.