Le sport, cet éternel club fermé
En France, 95 % des infrastructures sportives portent des noms masculins. Oui, 95 %. C’est presque le score de Kim Jong-un aux élections. Les Jacques, Michel et consorts dominent les panneaux des gymnases, pendant que les rares femmes honorées se contentent des miettes. Même les boulodromes s’appellent plus souvent “Henri IV” que “Marie Curie”.
Et ne venez pas nous dire que c’est parce qu’il manque des modèles féminins dans le sport. Vous avez entendu parler de Alice Milliat, la pionnière du sport féminin, ou de Marie-José Pérec, trois fois médaillée olympique ? Non ? C’est bien ça le problème : la mémoire collective les a foutues sur le banc de touche.
Les collectivités : complices ou juste à la ramasse ?
Quand on regarde de plus près, la responsabilité retombe lourdement sur les collectivités territoriales. Ce sont elles qui décident comment baptiser les infrastructures locales, et visiblement, l’égalité des sexes ne figure pas en tête de leur to-do list.
La scène typique ? Une réunion municipale où, après trois heures de débats sur le budget de la fête du village, quelqu’un balance : “Et si on appelait le nouveau stade Stade Charles de Gaulle ?” Applaudissements dans la salle. Parce qu’évidemment, personne ne veut se poser les vraies questions, comme : “Pourquoi pas une femme ?”.
Anecdote perso : le gymnase Germaine Tillion
Chez moi, dans un coin perdu de province, il y a un gymnase baptisé Germaine Tillion. Une anthropologue et résistante française. Et franchement, j’ai eu un choc en apprenant ça. Pas parce que je savais qui elle était, mais parce que c’était la première fois que je voyais un nom de femme sur un bâtiment sportif. Le reste des infrastructures ? Légion d’hommes : gymnase Jean Moulin, stade Louis Pasteur, piscine François Mitterrand.
C’est comme si les femmes avaient eu droit à un petit bout de gâteau uniquement pour dire : “Regardez, on a fait un effort”. Et puis silence radio depuis.
Pourquoi c’est si important ?
Certains diront : “Ce n’est qu’un nom”. Faux. Ce n’est jamais juste un nom. C’est une question de symbolique, de représentation, de modèle à donner aux générations futures. Quand une jeune fille passe devant un stade nommé Alice Milliat, elle comprend que sa place dans le sport est légitime. Que non, le sport n’est pas qu’une affaire de testostérone et de figures masculines héroïques.
Ne pas inclure de femmes dans ces symboles, c’est perpétuer l’idée qu’elles n’ont pas d’impact, qu’elles ne comptent pas. C’est du patriarcat en béton armé, littéralement.
L’humour noir d’une parité fantôme
On pourrait presque en rire si ce n’était pas si déprimant. Moins de 1 %, c’est moins que les chances d’un novice de gagner au Loto. À ce rythme, on aura probablement des robots qui jouent au foot avant qu’on ne voie un Stade Marguerite Duras. Mais bon, faut croire que les collectivités préfèrent continuer à encenser les grandes figures masculines, quitte à rendre le paysage urbain aussi monotone qu’un meeting de politiciens.
Changer les règles du jeu
Alors, on fait quoi ? On se contente de râler sur Internet ou on agit ? Déjà , un peu de pression citoyenne ne ferait pas de mal. Les réunions municipales sont ouvertes, alors pourquoi ne pas proposer un nom féminin la prochaine fois qu’un centre sportif est inauguré ? Et si on lançait un challenge aux collectivités : attribuer au moins 50 % de noms féminins aux nouvelles infrastructures d’ici dix ans. Ce n’est pas impossible, sauf si, bien sûr, on continue de traiter la question avec la même énergie qu’un dimanche matin pluvieux.
Le combat pour la parité ne se limite pas aux grands débats nationaux. Il se joue aussi dans nos quartiers, sur nos terrains de sport, et même sur nos boulodromes. Il est temps de montrer que les femmes ne sont pas qu’une anecdote dans l’histoire du sport, mais une force gravée dans le marbre.