Une course démesurée dans un décor de carte postale
Imaginez un instant : 1 000 participants venant de 40 pays, glissant sur une Seine partiellement dépoluée (merci, Anne Hidalgo ?), sous l’ombre des monuments parisiens. Ce n’est pas qu’une course, c’est une déclaration d’amour à la capitale française — ou, pour les cyniques, une manière de dire : « Regardez, on sait faire autre chose que des grèves. » Avec un départ donné à la fraîche depuis la Bibliothèque François-Mitterrand (parce que pourquoi pas ?), et une arrivée aux pieds de la Statue de la Liberté (la version cheap de celle de New York, évidemment), le tracé de 13,5 kilomètres a offert une vue à couper le souffle.
Mais soyons honnêtes : qui sont les héros de cette épopée aquatique ? Des champions venus des quatre coins du monde pour se disputer la première place ? Oui, bien sûr. Mais surtout, une ribambelle d’amateurs qui ont voulu se la jouer « sportifs du dimanche » avec, en bonus, une excuse parfaite pour faire des selfies sur l’eau. Parce que si tu ne postes pas une photo en train de pagayer devant Notre-Dame, est-ce que ça compte vraiment ?
Entre écologie et hypocrisie
Impossible de parler d’un événement sur la Seine sans aborder la question écologique. On nous l’a promis : la Seine sera baignable d’ici les Jeux Olympiques de 2024. Génial, sauf que le reste de l’année, c’est un dépotoir où même les poissons hésitent à y faire un plongeon. Alors oui, organiser une course de paddle est une belle initiative pour mettre en lumière les efforts (timides) de dépollution. Mais peut-on vraiment faire abstraction du reste ?
Prenons un instant pour applaudir l’initiative : des organisateurs écoresponsables, une limitation des déchets plastiques, et même une sensibilisation au respect des milieux aquatiques. Bravo. Maintenant, rappelons que les participants ont aussi laissé derrière eux une traînée de gobelets en carton et de bandeaux publicitaires en polypropylène sur les quais. Ironique, non ?
Le paddle, symbole de coolitude ou nouvelle bourgeoisie ?
Il y a dix ans, personne ne parlait de paddle. C’était un truc de hipsters californiens qui préféraient les vagues à Instagram. Aujourd’hui, c’est l’incarnation du sport “trendy” : pas trop fatiguant, parfaitement instagrammable, et surtout, qui te donne une raison de porter un legging moulant sans aller à la salle. Mais au-delà de l’apparence, le paddle est aussi devenu un marqueur social.
Soyons clairs : participer à ce genre d’événements n’est pas donné à tout le monde. Entre l’équipement, les frais d’inscription, et le temps nécessaire pour s’entraîner, on est loin du sport populaire à portée de tous. Alors, est-ce vraiment inclusif ou juste une manière de dire : “Regardez comme on est healthy et connectés à la nature” ?
Pourquoi cet événement compte vraiment
Malgré toutes les critiques que l’on peut faire, il faut bien reconnaître une chose : cette course est une bouffée d’air frais, au sens propre comme au figuré. Dans une époque où Paris est souvent réduite à ses rats, ses poubelles et ses bouchons, voir la Seine redevenir un lieu de vie est presque émouvant. Cet événement rappelle que, parfois, on peut encore rêver d’une ville vivable, où l’eau n’est pas seulement une frontière, mais un lien entre ses habitants.
Alors oui, on peut se moquer. Oui, on peut dénoncer les contradictions écologiques et sociales. Mais en fin de compte, si cette course inspire ne serait-ce qu’une poignée de personnes à repenser leur rapport à la nature, au sport, ou même à leur ville, elle aura déjà gagné. Et c’est peut-être là la vraie victoire : redonner un peu de poésie à un fleuve qui en avait bien besoin.