Plus dure est la chute
Teddy Riner, le colosse du judo français, tombe pour la première fois en dix ans. Il est treize heures passées, ce 9 février 2020, quand la terre tremble à Paris. Le Japonais Kokoro Kageura, avec un uchi-mata bien placé, met fin à l’incroyable série de 154 victoires consécutives de Riner au Grand Slam de Bercy. La défaite est un choc, une claque dans la figure du champion. Franck Chambily, l’entraîneur historique de Riner, confie : « Ce n’était pas tant la défaite, mais le voir à terre a été un choc. Même à l’entraînement, je ne l’ai jamais vu tomber. »
Ce moment est gravé dans les mémoires. Riner, avec son mètre 2,04, est touché dans son orgueil. « La prochaine fois que je prends Kageura à l’entraînement ou en compétition, je vais l’exécuter ! » lâche-t-il, mi-amusé, mi-amère. Mais la vie a un sens de l’humour tordu. Le Covid arrive, les Jeux de Tokyo sont reportés à 2021. Les blessures s’enchaînent et la machine Riner s’enraye. À Tokyo, il chute à nouveau, cette fois face au Russe Tamerlan Bashaev en quarts. C’est une médaille de bronze au goût amer pour un homme qui ne vit que pour l’or.
Le renouveau du colosse
Mais si vous croyez que Teddy va se laisser abattre, c’est que vous ne le connaissez pas. L’homme aux dix couronnes mondiales a désormais trois ans pour préparer son rêve ultime : être champion olympique à Paris. Et pour ça, il décide de tout changer. « On a voulu s’entraîner à l’étranger uniquement. On était tout le temps entre deux aéroports pour trouver la meilleure opposition, » explique Franck Chambily. Riner se réinvente, se découvre de nouveaux défis et garde cet aspect ludique du sport, crucial pour sa longévité.
Le Français passe de la chaise de Chambily à celle de Christian Chaumont, son ancien coach au club de Levallois. Une décision stratégique. « Le panel des adversaires de Teddy, 80% sont gauchers, » explique Chambily. Christian sait comment s’entraîner pour mieux combattre ces types de judokas. Et ça marche. En 2023, Riner remporte le championnat du monde de Doha, enchaîne les victoires en Masters et en Grand Chelem.
La quête de l’or olympique
À Paris, dans son fief, Teddy Riner est en chasse de sa troisième médaille d’or olympique pour devenir le judoka le plus couronné de l’histoire, aux côtés du Japonais Tadahiro Nomura. La densité de la compétition est inédite. « Avant, il y avait un champion du monde qui dominait, là ils sont tous champions du monde, » prévient Chambily. Mais le Français est affûté comme jamais. Il est taillé à la serpe et l’impression dégagée est à l’opposée de celle de Tokyo.
Riner, le dernier porteur de la flamme olympique à Paris, est prêt. « Le secret de ma longévité, c’est l’envie. Et là je suis prêt et même excité à l’idée de commencer et d’entrer dans le vif du sujet, » confie-t-il au Club France. Son objectif est clair : « Gagner l’or à la maison et me mettre en dessous de la Tour Eiffel avec cette médaille. »
La revanche d’un champion
Teddy Riner n’est pas seulement un athlète, il est un symbole. Un symbole de résilience, de détermination et de persévérance. Sa chute en 2020 a été une leçon d’humilité, mais aussi un moteur pour se relever plus fort. Riner a prouvé qu’il est possible de se réinventer, de surmonter les obstacles et de revenir au sommet. Son parcours est un rappel puissant que les échecs ne définissent pas une personne, mais plutôt comment elle se relève et continue de se battre.
Alors, lorsque Riner s’apprête à entrer sur le tatami aux JO de Paris 2024, il ne porte pas seulement son propre espoir, mais celui de toute une nation. La France est prête à le voir triompher, à le voir inscrire son nom dans la légende une fois de plus. Parce que Teddy Riner, c’est plus qu’un judoka, c’est une légende vivante.