Pourquoi ces librairies boycottent-elles Bardella ?
Le mouvement a commencé dans des librairies indépendantes, comme celle de Lyon, qui s’est exprimée sans détour : « C’est contre nos valeurs. Tout simplement. » Ici, on ne parle pas de neutralité : refuser de vendre un ouvrage comme celui de Bardella est un acte militant, un engagement à ne pas servir de tribune à des idéologies qu’on estime rétrogrades, dangereuses, voire nauséabondes. Cela pourrait sembler radical, mais l’histoire regorge de libraires qui ont fait de leur commerce bien plus qu’un lieu de vente : c’est un bastion d’idées, un rempart contre ce qu’ils considèrent comme des dérives.
Et pour ajouter un brin de dramaturgie, on apprend que ces libraires avaient été approchés « sous X » par les éditions Fayard, qui espéraient leur faire accepter une commande « à l’aveugle ». Ils auraient découvert le pot aux roses un peu tard, mais qu’on ne s’y trompe pas : cette tentative anonyme a surtout eu l’effet de réveiller leurs convictions.
Est-ce vraiment de la censure ?
Ah, la censure ! Le mot est grand, presque solennel, et Bardella l’emploie avec une insistance suspecte. Mais voyons cela de plus près. Dans des librairies comme Terre de Livres à Lyon, on est très clair : « Ils savent très bien notre ligne éditoriale. » Et cette ligne éditoriale, elle est là pour poser des limites, pour exprimer une certaine éthique.
Refuser de vendre un livre, ce n’est pas empêcher les gens d’y accéder. Ces librairies disent même être prêtes à le commander si un client le demande. Et puis, soyons honnêtes : l’autobiographie de Bardella ne va pas se faire rare. Pour chaque librairie qui refuse de la mettre en avant, il y en aura des dizaines d’autres qui n’hésiteront pas à remplir leurs rayons. C’est donc absurde de parler de censure : personne ne coupe le micro à Bardella, c’est simplement qu’on refuse de lui offrir la scène de certains lieux où la résistance aux idées populistes est plus forte que la tentation du profit.
la résistance des librairies : une longue tradition
En réalité, ce n’est pas la première fois que des librairies prennent position ainsi. Rappelons-nous l’époque de la Révolution française : les pamphlets et écrits politiques circulaient sous le manteau, dans des librairies qui prenaient des risques inouïs pour défendre des idées radicales. Plus près de nous, les œuvres de grands dissidents, de Soljenitsyne à Pasolini, ont trouvé refuge dans des librairies indépendantes qui avaient choisi de ne pas céder aux pressions du pouvoir.
Aujourd’hui, ces librairies ne s’opposent pas à une dictature mais à une idéologie qui, selon elles, menace les fondements de notre société. Leur choix est clair : en refusant de vendre Bardella, elles tracent une ligne dans le sable, refusant de donner une plateforme à ce qu’elles estiment être une rhétorique qui divise.
un acte de résistance… ou de peur ?
Certains pourraient dire que ce refus est un acte de lâcheté, qu’il montre une incapacité à faire face aux idées contradictoires. Mais soyons sérieux. En tant que société, nous devons nous interroger sur les voix que nous mettons en avant. Tout discours n’a pas sa place partout, et les libraires, en refusant Bardella, rappellent leur rôle d’acteurs culturels et sociaux. Leur refus est un message, un cri, un rappel que la liberté d’expression n’a jamais voulu dire offrir la scène à toutes les idées, sans discernement.
parce que la résistance, ça se cultive aussi
Finalement, on ne peut qu’admirer ces libraires qui tiennent bon face à la tentation du gain facile. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre des entrepreneurs prêts à sacrifier des ventes pour des valeurs. Dans une société où la rentabilité guide tout, cette résistance est plus qu’un simple acte de rébellion. C’est un retour à l’essence même de leur métier : défendre des valeurs, transmettre des idées, et tracer la frontière entre l’information et la propagande.
Alors oui, on se passera bien du livre de Bardella. Ceux qui veulent l’acheter le trouveront ailleurs. Quant à ceux qui, comme ces librairies, pensent que les idées ont un impact bien réel, ils pourront toujours compter sur ces lieux pour défendre leurs convictions, même dans les pages qu’ils refusent d’ouvrir.